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Les organismes de sécurité nationale du Canada sont trop secrets, disent les spécialistes au caucus ouvert du Sénat

Les organismes de sécurité nationale du Canada sont trop secrets, disent les spécialistes au caucus ouvert du Sénat
Human Rights

Les organismes de sécurité nationale du Canada sont trop secrets, disent les spécialistes au caucus ouvert du Sénat


Publié le 2 juin 2015
Publication @fr par l’hon. Art Eggleton

« Au Canada, la sécurité n’est jamais prise en compte dans les élections fédérales, alors les questions débattues dans le cadre du projet de loi C-51 finiront peut-être par donner un bon résultat, et ce, de façon inattendue, peu importe à quel point ce projet de loi est mauvais ou se révélera l’être, affirme le professeur de l’Université d’Ottawa Wesley Wark.

Le secret qui entoure la sécurité du Canada résulte d’un manque de transparence et de reddition de comptes au sein des organisations de sécurité nationale du Canada et mine la confiance des Canadiens à l’égard de ces organisations, qui sont censées les protéger. Ce fut l’un des principaux thèmes d’une réunion du caucus ouverte au public organisée mercredi dernier par les libéraux du Sénat et portant sur la sécurité nationale et les droits de la personne.

« Je ne peux pas croire ce que le gouvernement (et ce n’est pas propre uniquement à ce gouvernement, mais aussi au gouvernement précédent) veut garder secret, a déclaré Paul Cavalluzzo, l’avocat principal chargé de l’enquête sur l’affaire Maher Arar de 2004 à 2006. On rit souvent des Américains en ce qui concerne leur sécurité nationale. Pourtant, ceux-ci font preuve d’une ouverture d’esprit beaucoup plus grande que nous quand vient le temps de publier des renseignements. » Ce sentiment rejoignait celui du professeur Wesley Wark, qui a servi durant deux mandats au Conseil consultatif en matière de sécurité nationale auprès du premier ministre, de 2005 à 2009. « Nos amis et nos alliés en Europe et ailleurs faisaient jadis grand cas de nous comme d’une sorte de champions de l’innovation en matière de reddition de comptes à l’égard de la sécurité nationale, a déclaré M. Wark. C’était il y a longtemps. Depuis, nous avons été largement dépassés en ce qui concerne la façon dont nous nous attaquons à cette question. »

Un domaine dans lequel ce secret nuit à la confiance du public est la perception sans cesse croissante que les organismes de sécurité nationale visent délibérément certaines communautés ethniques, raciales et religieuses dans leurs opérations. Marie‑Claude Landry, présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, a déclaré que, alors que des politiques antidiscriminatoires sont en place au sein de ces organismes, aucune donnée n’est recueillie pour permettre de vérifier que ces politiques sont respectées. « S’ils ne font pas de suivi permettant de démontrer de manière transparente que leurs politiques en matière de droits de la personne sont efficaces, les organismes de sécurité nationale prêteront le flanc à la critique éventuelle et à la perte de confiance du public », a-t-elle affirmé.

Ziad Mia, de l’Association canadienne des juristes musulmans, a dit que la communauté musulmane avait le sentiment d’être la principale cible des organismes de sécurité nationale et a souligné le tort que cela peut causer. Les membres de cette communauté « subissent de la pression et se sentent scrutés à la loupe… Cette rhétorique toxique qui contribue à cette tension et qui présente les musulmans comme « l’opposition » influe essentiellement sur la vision du monde des extrémistes. » Mia estime que cela ne va pas dans la bonne direction, car la coopération avec ces communautés est indispensable dans le cadre des opérations de sécurité, prenant comme exemple les arrestations effectuées dans le complot de 2012 contre Via Rail. « Ce complot a été déjoué parce que les communautés ont aidé… c’est la meilleure façon. Non seulement c’est efficace, mais cela renforce la confiance des communautés, et il en coûte beaucoup moins d’argent. »

Dans le cadre du débat sur le projet de loi C-51, un grand nombre de témoins à la réunion s’entendaient pour dire que celui-ci ne fera que renforcer cette culture du secret et aura même comme effet de l’aggraver dans certains cas. Une disposition du projet de loi autoriserait le SCRS à demander à la Cour fédérale la permission de violer les droits garantis par la Charte afin de recueillir de l’information. Cela se produirait derrière des portes closes, à l’insu de la personne ou sans même la présence d’un organisme de défense qui parlerait en son nom. « Je n’ai jamais de ma vie professionnelle vu un projet de loi qui contient une disposition comme celle-là. C’est inconstitutionnel à première vue, a déclaré M. Cavalluzzo, et en plus d’être inconstitutionnel… c’est un processus secret. » Plus tard, il a mentionné que 14 des 17 organismes auxquels ces renseignements seront fournis ne sont dotés d’aucun mécanisme d’examen. « Admettons qu’ils commettent une erreur : que va faire le citoyen? »

Wark a noté que le fait que le projet de loi fait connaître au public le débat sur la sécurité nationale, qui pourrait devenir un cheval de bataille des prochaines élections, qui auront lieu à l’automne, un phénomène rare lors des élections canadiennes, en fait une bonne mesure. « Selon mes prévisions, cela sera important pour le programme électoral de chaque parti… Le premier ministre Harper a déjà signalé qu’il veut qu’il en soit ainsi, a déclaré M. Wark. Au Canada, la sécurité n’est jamais visée par les élections fédérales. Les questions débattues dans le cadre du projet de loi C-51 finiront peut-être par donner un bon résultat, et ce, de façon inattendue, peu importe à quel point ce projet de loi est mauvais ou se révélera l’être. »

Les sénateurs libéraux tiennent une série de discussions sur un certain nombre de questions dans le cadre de leur initiative de « caucus ouvert ». Ils tiendront mercredi prochain sur la Colline du Parlement leur prochaine réunion, au cours de laquelle ils parleront de l’assurance-médicaments.

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