Déclaration faite le 22 juin 2009 par le sénateur Fernand Robichaud
L'honorable Fernand Robichaud :
Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole ce soir au sujet du Congrès mondial acadien, qui nous a été présenté par l'honorable sénateur Losier- Cool.
On nous a déjà fait part des nombreuses activités mises sur pied à l'intention des milliers de visiteurs qui se rendront dans la péninsule acadienne au cours de l'été. Un programme complet d'activités a été élaboré pour agrémenter le séjour des visiteurs en Acadie. Vous en conviendrez, honorables sénateurs, recevoir quelque 40 000 visiteurs, du 7 au 23 août prochain, n'est pas chose facile, mais je sais pertinemment qu'avec leur hospitalité habituelle, les Acadiens sauront être à la hauteur de la tâche.
Cette année marque le 15e anniversaire de la tenue du premier Congrès mondial acadien et c'est la première fois qu'il aura lieu dans la péninsule acadienne. Les Acadiens du nord-est du Nouveau- Brunswick et de partout se regrouperont pendant une quinzaine de jours pour célébrer ce que nous sommes et pour partager, entre nous et avec nos visiteurs, notre héritage culturel. À cet égard, le village historique acadien de Caraquet sera particulièrement animé, ainsi que les villes et les villages de la péninsule où se dérouleront les activités liées au congrès de 2009.
Le Congrès mondial acadien est une grande réunion de famille; c'est la réunion du peuple acadien. C'est une fête entre frères et sœurs, entre cousins et cousines, en compagnie de tous ceux et celles qui voudront bien y participer.
À de nombreuses activités culturelles s'ajouteront des conférences et des colloques où la survivance, le dynamisme, l'énergie et la vitalité du peuple acadien seront discutés, étudiés et analysés, et où la résilience de tout un peuple sera célébrée.
Je disais que ce quatrième congrès est une grande réunion de famille où la création des artistes sera fêtée, où les entreprises acadiennes feront valoir leur savoir-faire et où les jeunes auront leur place.
Participer aux activités de ce congrès, c'est vivre une expérience mémorable. C'est aussi prendre connaissance des « manières de faire » particulières d'un peuple et c'est constater qu'elles ont traversé le temps, qu'elles sont toujours vivantes et qu'elles se sont adaptées au monde d'aujourd'hui.
C'est un peu le cas de la cuisine traditionnelle acadienne.
Comme vous le savez, les Acadiens forment un peuple d'origine plutôt modeste et sont dispersés un peu partout dans les provinces atlantiques, ailleurs au Canada, aux États-Unis et en Europe. Au cours des siècles, ils ont développé une cuisine assez particulière qui nous a été transmise par nos ancêtres. Ils ont cultivé la terre et se sont adonnés à la pêche pour subvenir à leurs besoins alimentaires. Selon les régions qu'ils habitent, les Acadiens apprêtent tantôt le poisson et les fruits de mer, tantôt des légumes et des viandes.
La cuisine acadienne est empreinte de simplicité et de diversité. Cette cuisine a été transmise par la tradition orale, de telle sorte que l'isolement géographique et régional peut expliquer les nombreuses variantes des mets acadiens et l'existence de mets particuliers à une région donnée.
L'Acadien et l'Acadienne de la Baie Sainte-Marie vous confirmeront que la râpure est le mets le plus populaire en Acadie.
Celui du sud-est du Nouveau-Brunswick vous dira que les poutines râpées représentent le summum de la cuisine acadienne.
Honorables sénateurs, il ne faut pas confondre : ce n'est pas la poutine québécoise! C'est tout à fait différent! C'est la vraie poutine! Je vous explique.
Essentiellement, les poutines râpées sont un mélange de pommes de terre râpées, dont on extrait l'eau, et de pommes de terre cuites en purée. Modelées en boule, ces poutines contiennent au centre du lard de porc ou d'autres sortes de viandes coupées en dés. On referme ces boules que l'on enfarine légèrement. On les fait cuire dans l'eau, bien sûr, pour une couple d'heures. Ces poutines râpées sont servies chaudes avec de la cassonade ou du sucre blanc, ou encore, certains préfèrent la mélasse.
Et puis il y a la morue. Cette espèce de poisson prisé dans le nord- est du Nouveau-Brunswick — où je suis né d'ailleurs!
Lorsque la morue était en abondance, toutes les familles en avaient à leur menu. Il n'y avait pas de gaspillage. Je vous assure, tout y passait, y compris les têtes et les langues de morue, le foie et les gots de morue — ces estomacs de morue farcis de foie de morue et d'oignons qu'on devait faire cuire un certain temps pour être sûr qu'ils deviennent tendres.
Et quel délice que la morue salée! Séchée sur des vigneaux — qu'on ne voit plus maintenant —, la morue salée était facile à préparer. Selon le degré de sel qu'elle contenait, la veille, on la faisait tremper dans l'eau pour la dessaler. Pour enlever encore plus de sel, on pouvait changer l'eau avant ou pendant qu'on la faisait cuire.
Une fois la morue dessalée, on la faisait cuire jusqu'à ce qu'elle soit bien cuite et tendre. L'accompagnement de ce mets est à faire dresser les cheveux à tous ceux et celles qui éprouvent des brûlements d'estomac! La morue est servie avec des grillades de lard salé en tranches, sautées jusqu'à ce que les tranches de lard soient brunes et croustillantes, puis la morue est nappée de la graisse des lardons. Je salive en ce moment juste à y penser! Évidemment, le repas ne serait pas complet sans pommes de terre bouillies.
Nous en avons d'autres, des spécialités culinaires : le fricot au poulet, qui devient un bouillon au poulet dans le nord-est du Nouveau-Brunswick. Souvent, lors de corvées, un gros fricot au poulet suffisait pour nourrir la foule.
Que dire de la mioche au navot? Ce mélange de pommes de terre et de navet en purée était souvent lié avec les dés de lard et leur graisse. Ah! c'était bon, et on pouvait se bourrer la face, comme on dit par chez nous!
Et la soupe à la « baillarge » — la soupe à l'orge. Cette soupe à base de pattes de porc et assortie de tous les légumes du jardin constitue un repas en soi.
Nous avons aussi nos pâtés à la viande —, les tourtières que des personnes d'autres régions connaissent sont une variation de nos bons pâtés à la viande.
En plus de tartes de toutes sortes, les desserts les plus populaires étaient les « pets de sœur » et les « poutines à trou ». Les « pets de sœur » sont confectionnés avec les restes de pâte à tarte et prennent la forme de brioche — je ne sais pas comment on fait l'interprétation. Ils sont constitués d'une pâte recouverte de beurre et de cassonade qu'on fait cuire au four. C'est tout à fait délicieux!
Quant aux « poutines à trou », particulièrement appréciées dans le sud-est du Nouveau-Brunswick, elles sont faites de boules de pâte farcies avec des pommes et des raisins et elles sont servies avec du sirop d'érable ou de maïs. Au temps des canneberges, on peut leur ajouter ces « pommes de pré » pour varier. On laisse ces boules ouvertes avec un trou, d'où leur nom « poutines à trou ».
Honorables sénateurs, je pourrais continuer, mais je m'arrête parce que je tiens à rassurer les estomacs sensibles que nous avons aussi du homard, du crabe des neiges, des moules et des huîtres. Et encore, nous avons des coques — des myes — que certains appellent des « clams », frits ou à la vapeur; nous servons des palourdes, des chaudrées de poisson et des fruits de mer qui sont absolument délicieux.
Pour gober toute cette mangeaille, pourquoi ne pas le faire en famille? Les organisateurs du Congrès mondial acadien ont voulu promouvoir la création de liens entre les personnes en favorisant la tenue de grandes réunions de familles. Ces rencontres de familles auront lieu dans tous les coins de la péninsule. Plus de 90 de ces réunions sont fixées, à des dates variées, à différents endroits. Lire la liste des réunions de familles est un peu comme lire l'alphabet. Vous avez les Arsenault, les Boudreau, les Cormier, les Doiron, les Friolet, les Gallant, les Haché, les Jean, les Landry, les Melançon, les Robichaud, bien sûr, les Savoie, les Trahan et les Vienneau. Et il y en a d'autres : les Béliveau, les Chiasson, les Comeau, les Frigot, les Godin, les Hébert, les Leblanc, les Léger et je pourrais continuer.
Avant de conclure, honorables sénateurs, j'aimerais tout simplement dire que nous avons plus de ressemblances que de différences. C'est juste que nous avons des noms différents et que nous cuisinons différemment.
Certains d'entre vous, qui ont grandi dans les communautés de pêcheurs et d'agriculteurs en Gaspésie ou à Terre-Neuve, se sont peut-être reconnus ou, tout au moins, remémorés certains de ces mets ou des variations de ces plats. Peut-être que nos ancêtres avaient déjà saisi la tendance d'aujourd'hui, qu'une cuisine simple permet de faire apprécier le véritable goût des aliments. Ce sont parfois les petits gestes qui communiquent le mieux notre affection. Ainsi, en s'intéressant aux autres et aux coutumes d'autrui, on peut faire de merveilleuses découvertes.
Honorables sénateurs, cet été serait-il le moment choisi pour vous intéresser à l'Acadie? Si tel est le cas, soyez assurés que l'hospitalité chaleureuse des Acadiens et des Acadiennes sera au rendez-vous. Nous serons heureux de partager avec vous notre histoire et notre culture, nos petites histoires et notre cuisine, nos petits bonheurs et nos légendes. Peut-être que vous apercevrez le bateau fantôme sur la baie des chaleurs ou les feux follets.
Vous savez, mon grand-père a vu le bateau fantôme sur la baie des chaleurs et les feux follets, ces flammes qui dansent au milieu de la nuit. Qui sait, vous pourriez peut-être même voir le « revenant de Richibucto », qui fera la fête dans la péninsule.
Comme on le dit souvent, nous avons tous la même histoire, sauf que les détails sont différents. Vous êtes tous et toutes invités. Venez nous wère, on vous espère.
Sur ce, je vous souhaite à tous une bonne Saint-Jean et une bonne fête du Canada!