La réforme du Sénat

Il y a plusieurs mois, la faculté de droit de l’Université de l’Alberta a tenu un colloque d’un week‑end sur la réforme du Sénat. Elle a invité certains des plus éminents spécialistes du pays sur les institutions parlementaires, notamment sur le Sénat. Roger Gibbins, ancien chef de la Canwest Foundation et fervent défenseur de la réforme du Sénat (je sais, qui ne l’est pas?) agissait à titre de rapporteur.

Gibbins a résumé la discussion d’une excellente et d’une étonnante façon : compte tenu des contraintes, le Sénat devra se réformer lui‑même. Soulignons que toutes sortes de changements qui ne nécessitent pas de réforme constitutionnelle peuvent être apportés. Il est tout simplement difficile de comprendre pourquoi les conservateurs ne cessent de répéter que nous sommes aux prises avec le statu quo. Jetez un coup d’œil à l’article suivant :

J’abonde dans le même sens, et un certain nombre de réformes très positives pourraient être faites dès maintenant. Voici quelles seraient mes priorités :

1. Les sénateurs conservateurs devraient quitter le caucus national, où ils côtoient des députés conservateurs. Les sénateurs libéraux sont déjà exclus du caucus libéral à la directive de M. Trudeau.

Je savais que M. Trudeau faisait la bonne chose puisque je suis moi-même politicien – j’ai été, notamment, chef du Parti libéral provincial et chef de l’opposition en Alberta –, sans savoir si j’approuverais toujours sa décision. Or, je suis maintenant totalement convaincu que c’est une bonne chose que les sénateurs soient indépendants du caucus national. Je porte assurément un regard moins partisan sur les politiques publiques, c’est‑à‑dire que je suis beaucoup moins porté à voir les intérêts partisans derrière les politiques plutôt que les implications des politiques elles‑mêmes. Voilà ce que le Sénat peut apporter au débat public.

Mes valeurs libérales n’ont pas changé. Je suis d’allégeance libérale, c’est ainsi. Mes valeurs sont libérales. Je suis également membre d’un parti libéral. Je ne pense pas que la partisanerie soit mauvaise en soi – c’est l’extrême partisanerie, où tout est un prétexte à gagner, qui est mauvaise. Mais la bonne vieille partisanerie n’est qu’une façon comme une autre d’exposer les divergences de vues sur une question. La liberté d’expression est le fondement même d’une démocratie.

Le problème tient au fait que les sénateurs conservateurs sont encore soumis aux contraintes imposées jusqu’en janvier 2014. Certes, les sénateurs conservateurs sont des gens dévoués, qui agissent selon leurs convictions profondes, mais ils subissent inévitablement les pressions et l’influence des élus. Je peux le dire maintenant que je suis sénateur indépendant.

Helen Forsey vient tout juste de publier un excellent ouvrage sur la réforme du Sénat intitulé A Peoples’ Senate, dans lequel elle défend ce point de vue et bien d’autres sur ce que peut devenir le Sénat et les réformes qui peuvent y être faites.

2. Télédiffuser les débats du Sénat. Cela favorisera l’ouverture ainsi que la transparence et sensibilisera le public et le mobilisera dans le débat, en plus de rehausser la crédibilité du Sénat puisque le public sera impressionné par la qualité du débat et le décorum au Sénat.

3. Publier, chaque trimestre et de façon détaillée, toutes les dépenses engagées par chaque sénateur et par l’Administration du Sénat.

4. Créer une commission spéciale chargée de faire une première sélection des sénateurs éventuels et de faire des recommandations au premier ministre dans le cadre d’un processus qui ressemblerait au processus de sélection des juges et des membres de l’Ordre du Canada.

Les possibilités ne manquent pas. Ce ne sont là que quelques mesures qui seraient un très bon début. Et aucune d’entre elles ne nécessite de réforme constitutionnelle.