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L’initiative de l’ONU d’inspiration canadienne connue sous le nom de Responsabilité de protéger (R2P) a fait l’objet de vifs débats dans la planète dernièrement, en réaction aux conflits qui font rage en Libye, en Syrie et dans d’autres régions du Moyen-Orient. La R2P prévoit que si un gouvernement refuse ou est incapable de protéger ses citoyens contre d’horribles abus de droits de la personne — génocide, nettoyage ethnique et crimes contre l’humanité — la communauté internationale a le devoir de prendre des moyens pour protéger les civils innocents. Je suis un fervent défenseur de la R2P depuis que j’ai été ministre de la Défense du Canada, de 1997 à 2002. À cette époque, j’ai eu l’occasion de travailler avec le général Roméo Dallaire qui, dans ses fonctions de commandant des forces de l’ONU au Rwanda, a vu de ses yeux les horreurs résultant de l’inaction internationale. Il affirmait catégoriquement que la communauté internationale ne pouvait continuer de rester à l’écart, qu’elle avait le devoir d’intervenir pour sauver la vie d’innocents. La décision d’intervenir n’est pas facile à prendre, car, inévitablement, les motifs des pays qui passent à l’action sont contestés, ce que j’ai d’ailleurs pu constater moi-même lorsque le gouvernement canadien est intervenu au Kosovo en 1999. Rappelons que le conflit en Bosnie, qui avait fait près de 100 000 victimes, venait de prendre fin, et que nous ne pouvions pas laisser le même chaos s’installer au Kosovo. Au moment de notre intervention, la campagne de terreur du président yougoslave, Slobodan Milosevic, avait eu pour effet de chasser plus de 470 000 de leur foyer et rien ne laissait présager un quelconque changement de la situation. Il est évident que nous aurions préféré éviter un conflit armé et que nous avons exploré toutes les avenues diplomatiques possibles. Cependant, devant l’échec de notre tentative de résolution pacifique, nous n’avons eu d’autres choix que de mener des interventions militaires. Nous avions la responsabilité de protéger, et c’est ce que nous avons fait. Bien sûr, on nous a reproché notre intervention. Toutefois, je crois fermement que ce que nous avons fait au Kosovo a permis non seulement de sauver des vies, mais aussi de transmettre un message clair : les atrocités massives sont moralement répugnantes; un État n’a pas le droit de commettre des crimes de masse contre son peuple et les droits fondamentaux de la personne sont inaliénables. Depuis, la légitimité du R2P a fait l’objet de nombreux débats. Certains pays estiment encore que les droits de l’État éclipsent ceux de l’homme. J’ai insisté auparavant sur le fait que la doctrine R2P doit, autant que possible, être axée sur la prévention. Cela signifie de faire des efforts de paix en appuyant le développement, en améliorant la capacité économique, en bâtissant des institutions démocratiques et en favorisant la meilleure gouvernance au sein des États fragiles; bref, en jetant les fondations de la paix et en faisant progresser la démocratie. Cependant, la situation en Libye prouve que la prévention à long terme n’est pas toujours possible. Ce conflit a évolué rapidement et a nécessité une réaction immédiate. Muammar Gaddafi a perpétré des crimes odieux contre son peuple et le plus choquant est qu’il a déclaré dans les médias son intention de continuer. Par l’entremise d’organismes régionaux et internationaux, des gouvernements ont décidé de prendre des mesures proactives pour répondre aux menaces de Gaddafi, notamment l’adoption de la résolution 1973 au Conseil de sécurité et la signature d’une entente pour instaurer une zone d’exclusion aérienne. Menée par le lieutenant-général canadien Charles Bouchard, l’intervention en Libye a été couronnée de succès. La Libye est maintenant en bonne voie, malgré plusieurs obstacles, de gagner en liberté. Certains détracteurs du R2P ont fait valoir que l’éviction de Gaddafi prouve que l’initiative a des motifs géopolitiques et vise des changements de régimes. Or, si le dirigeant d’un pays commet des crimes de masse contre son peuple, il perd, selon moi, toute légitimité en tant que chef d’État. De tels dirigeants ne devraient jamais être réinvités à faire partie de la communauté internationale. Je ne cautionne pas ceux qui s’en sont pris à Gaddafi pour se faire justice eux-mêmes; il aurait dû subir un procès pour ses crimes, que ce soit en Libye ou devant la Cour pénale internationale. Mais il est clair qu’il est allé trop loin et qu’il devait faire face à la justice. La tragédie qui se déroule actuellement en Syrie semble suivre une voie semblable. Toutes les avenues diplomatiques ont été de maintes fois explorées. Les crimes que commet Bashar Assad contre son peuple sont épouvantables. Nous devons mettre fin à ses crimes même si cela signifie de créer une zone d’exclusion aérienne et de prendre des actions militaires. Si nous prenons au sérieux la doctrine de la Responsabilité de protéger, il faut agir maintenant. Assad doit être traduit en justice pour ses crimes.
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