Les attaques du gouvernement contre les groupes environnementalistes sont une arme à deux tranchants
Publié le 28 mai 2012 Publication par l’hon. Robert W. Peterson (retraité)« Radicaux étrangers », « blanchisseurs d’argent » et personnes qui « acceptent l’argent d’Al Qaïda, du Hamas ou des talibans ». Ces termes ne font pas référence à une enquête sur les cartels de la drogue ou le terrorisme. Il s’agit plutôt de quelques mots bien choisis prononcés négligemment par des ministres et des sénateurs pour décrire les organismes de bienfaisance enregistrés.
Le gouvernement tient des propos manifestement incendiaires et de nature à créer des divisions, et ce n’est pas sans raison. Sa guerre des mots vise principalement les organismes de bienfaisance à vocation environnementale, dont certains ont participé activement au processus d’examen des parties prenantes au projet de pipeline Keystone XL. Les modifications que propose le projet de loi omnibus C-38 sur l’exécution du budget rendraient essentiellement futile le processus d’examen. En qualifiant les organismes de bienfaisance à vocation environnementale de « groupes radicaux », le gouvernement essaie de dresser un épouvantail qui, espèrent-ils, va détourner l’attention du public des modifications aux lois environnementales qu’on impose au Parlement.
Selon l’Agence du revenu du Canada (ARC), les organismes de bienfaisance sont autorisés à sensibiliser les politiciens, tant que cela représente au plus 10 % de leurs activités et que ça demeure non partisan. Les groupes qui participent au processus d’examen, même ceux qui remettent en question la légitimité de la construction du pipeline, ont donc théoriquement la compétence légitime pour le faire. Cependant, le gouvernement s’en prend aussi aux étrangers qui font des dons aux groupes environnementaux comme Tides Canada. Or, cet organisme finance aussi des groupes « radicaux » comme les Grands Frères et les Grandes Sœurs!
Les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi que l’augmentation du financement de l’ARC de 8 millions de dollars au cours des deux prochaines années, lui donneront en théorie les outils nécessaires pour mener des enquêtes sur ces questions. Mais, comme dit le dicton, c’est une arme à double tranchant. Les nouveaux outils de l’ARC et la verbosité croissante du gouvernement auront probablement de nombreuses conséquences imprévues.
Lors de son récent témoignage devant le Comité permanent des finances de la Chambre, l’éminent avocat défenseur des organismes de bienfaisance, Michael Blumberg, a indiqué qu’il y aurait fort probablement une diminution des dons de charité. Les particuliers et les fondations peuvent hésiter à faire des dons à certains organismes. De leur côté, les organismes de bienfaisance de tous les secteurs, qui ne connaissent souvent pas la portée des lois les régissant, s’inquièteront probablement de la règle des 10 % qu’ils devront respecter. Alors que le montant des dons de charité n’a jamais été aussi bas, cela pourrait avoir d’importantes conséquences pour les organismes de bienfaisance, surtout les petits et moyens organismes qui comptent sur les dons de quelques personnes.
Par ailleurs, les groupes comme la Fondation David Suzuki qui ont été sur la sellette au cours des dernières semaines reçoivent une réponse favorable de la part de particuliers qui ne contribuent habituellement pas à l’organisme. Les attaques servent aussi de base solide pour le secteur caritatif. En effet, le 4 juin prochain, quelques-uns des organismes de bienfaisance à vocation environnementale parmi les plus connus noirciront leurs sites Web. Ils réagiront ainsi à ce qu’ils considèrent comme une attaque concertée du gouvernement contre l’environnement et contre le secteur caritatif plus généralement.
Ce qui était une coalition fragmentaire et désorganisée d’organismes de bienfaisance s’est transformé en une campagne bien huilée, bien branchée et très motivée.
Les changements proposés aux règles régissant l’ARC pourraient aussi avoir un effet négatif sur les organismes confessionnels et les groupes de réflexion qui, dit-on, mènent des actions politiques. Il est difficile de dire quel pourcentage des 8 millions servira à effectuer des enquêtes sur les actions politiques, mais l’ARC étant une entité indépendante, elle pourrait tout aussi bien prendre des sanctions contre un pasteur évangélique qui fait l’éloge des mesures législatives du gouvernement, que contre un groupe comme la Fondation Suzuki.
Ces modifications ne changeront peut-être rien aux outils de l’ARC, mais une plus grande sensibilisation à la question peut entraîner une augmentation du nombre de demandes de vérifications de la part du citoyen moyen et, en fin de compte, accroître la charge de travail de l’ARC.
L’ARC a d’autres chats à fouetter que d’enquêter sur les dangereux stratagèmes des organismes de bienfaisance qui entraînent des pertes annuelles d’environ 300 millions de dollars. Il est peu probable qu’un groupe environnementaliste radical fasse l’objet de véritables sanctions. Les fonds supplémentaires consacrés à la surveillance financeront probablement les enquêtes légitimes sur les fraudes et les nouvelles demandes de vérification, notamment les demandes de vérification présentées par le groupe de droite, Ethical Oil, qui aurait demandé la vérification du groupe Tides. Il serait intéressant de savoir quelle part de l’argent des contribuables servira à ce processus.
Le gouvernement devrait peut-être y réfléchir à deux fois la prochaine fois avant de déclencher une bataille qui pourrait toucher, au final, des milliers d’organismes de bienfaisance et les bénévoles et les employés qui y travaillent. La « guerre des mots » s’avère bâclée, mal dirigée et, parfois, presque diffamatoire. C’est une honte de voir que le gouvernement pourrait risquer de malmener le secteur caritatif pour se faire du capital politique. Tout ce que la campagne de salissage parviendra à faire, c’est de détourner l’attention du public du travail d’organismes légitimes qui font preuve d’une philanthropie légitime.