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Réclamer une armée préparée pour le Canada, c’est comme prêcher dans le désert

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Publié par le sénateur Colin Kenny le 28 avril 2009

Il existe un argument existentiel et incontestable en faveur de l’allocation par les gouvernements de crédits destinés à la préparation de leur armée. Malheureusement pour les Canadiens, trois arguments de poids se liguent contre lui pour l’empêcher de prévaloir.

Voici l’argument le plus important en faveur de la préparation de l’armée : le principal devoir d’un gouvernement national est de protéger ses citoyens et de promouvoir leurs intérêts, et aucun pays ne peut y parvenir seulement avec des paroles. C’est triste à dire, mais ce sont les faits. Les pays ont besoin de puissance – assez pour se défendre et assez pour se joindre à leurs alliés pour contrer toute menace d’envergure mondiale.

Plus les défenses du Canada sont faibles, plus les Canadiens sont susceptibles d’en souffrir sur les plans physique, économique, culturel et social. C’est du moins ce que l’histoire révèle. Rappelons-nous que le Canada et ses alliés n’étaient guère équipés en 1939 pour combattre Adolph Hitler, et c’est pourquoi les ambitions de celui-ci visant à dominer le monde ont presque triomphé.

Il s’agit là d’un argument assez important et fondamental qui devrait suffire à justifier le financement adéquat des Forces canadiennes. Cela n’a cependant pas été le cas depuis fort longtemps. Pourquoi donc?

Voici les arguments qui sapent la volonté des politiciens et les empêchent de faire le nécessaire pour entretenir le personnel et l’équipement militaires afin que les Forces canadiennes puissent nous défendre : 

1. Bon nombre de Canadiens perçoivent le Canada comme le contraire pacifique de nos voisins du Sud, lesquels semblent toujours prêts à attaquer quelqu’un, quelque part. C’est là une bonne attitude, jusqu’à un certain point. Nous, Canadiens, devrions faire preuve de discernement quant aux endroits où nous déployons notre armée. Par contre, si une mission essentielle se présente, nous devons être prêts à la relever. Qui plus est, ceux qui n’aiment pas trop les Américains ne devraient pas compter sur eux pour nous défendre, nous et nos intérêts.

2. On ne peut espérer que très peu de gains politiques à regarder vers l’avenir et à veiller que nos enfants et petits-enfants puissent compter sur une armée capable de les défendre. Le premier ministre libéral Pierre Elliott Trudeau a commandé 12 frégates pour la Marine canadienne, sachant fort bien qu’elles seraient essentielles à la future défense du Canada. Le premier ministre conservateur Brian Mulroney, le successeur de Trudeau, a quant à lui procédé à leur lancement. Parfois, faire preuve de leadership consiste à faire ce qu’il faut pour son pays, et pas simplement à acheter des votes pour garder son parti au pouvoir.

3. Le budget consacré à la défense est la tirelire sur laquelle les gouvernements pigent lorsqu’ils doivent réduire leurs dépenses. La majorité des dépenses fédérales sont obligatoires – le gouvernement est tenu par la loi de délier les cordons de sa bourse. Or les dépenses consacrées à la défense sont discrétionnaires, ce qui explique pourquoi les libéraux ont tant saigné les Forces canadiennes dans le cadre de leurs efforts pour réduire la dette nationale dans les années 1990. Malheureusement, le gouvernement Harper et son successeur seront contraints d’essayer de trouver des façons de sortir le pays du trou dans quelques années. On exercera donc beaucoup de pression pour que les Forces canadiennes paient la note.

Ces trois réalités s’unissent contre l’argument fondamental et rationnel voulant que la préparation de l’armée soit indispensable au présent et à l’avenir du Canada. Dernièrement, un certain nombre d’éminents Canadiens — y compris David Emerson, ex-ministre des Affaires étrangères et du Commerce international de Stephen Harper — ont soutenu que le Canada éprouvait des difficultés à se faire entendre sur la scène mondiale ces temps-ci.

Il y a des raisons à cela, et deux d’entre elles sont que le Canada fait figure d’avare en ce qui concerne à la fois l’aide internationale et les contributions militaires destinées à résoudre les problèmes dans le monde. L’Afghanistan fait exception dans ce dernier cas, mais le chef de l’armée canadienne, le général Andrew Leslie, a récemment expliqué, en audience, que l’armée devra probablement cesser ses missions militaires après l’Afghanistan simplement pour se ressourcer. On parle ici de deux fois en six ans!

L’historien Jack Granatstein a récemment applaudi le fait que les dépenses militaires du Canada avaient doublé au cours des 10 dernières années, mais il a souligné qu’en raison des dernières années de vaches maigres, cela était insuffisant. Il s’est plaint du fait que rien n’ait été prévu pour remplacer l’équipement crucial des Forces navales et aériennes, comme les navires et les avions qui frôlent la désuétude et dont la planification et le processus de commande et de livraison prennent beaucoup de temps. Selon M. Granatstein, « l’argent viendra à manquer, le nombre de soldats continuera d’être insuffisant pour accomplir les tâches requises et le gros des équipements de l’armée, bien qu’il se soit amélioré dans plusieurs secteurs depuis quelques années, continuera sa longue et lente descente vers la désuétude ».

Bref, le portrait est peu reluisant pour les Forces canadiennes, ce qui signifie que le portrait est également peu reluisant pour le Canada.

Pour que ces sombres perspectives s’illuminent, le premier ministre Harper devra devenir un homme d’État veillant aux intérêts de son pays plutôt qu’un politicien qui courtise l’électorat.

Et s’il ne peut oublier complètement les votes (et je dois admettre que ça ne doit pas être facile), j’ai une idée qui pourrait peut-être lui en valoir quelques-uns : conclure un accord à long terme avec l’industrie navale canadienne afin de remplacer tous les navires de la Marine et de la Garde côtière rongés par la rouille. Cela contribuerait à créer des emplois sur la côte Est, sur la côte Ouest et au Québec. Plus d’emplois équivaut à plus de votes.

En fin de compte, il importe peu que ses actions soient motivées par de nobles principes ou par le désir de gagner les élections. Le Canada a, au cours de son histoire, trop souvent économisé au détriment de son armée. Nous avons eu de la chance jusqu’à maintenant, mais la chance ne devrait pas jouer un rôle prépondérant lorsqu’il s’agit de planifier la survie d’une nation.

Colin Kenny est président du Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense.

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