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Adoption de la motion tendant à nommer les « Célèbres cinq » sénatrices honoraires

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Déclaration faite le 08 octobre 2009 par la sénatrice Claudette Tardif

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) :

Honorables sénateurs, si je peux prendre la parole ici aujourd'hui, c'est grâce à la détermination et à l'action, il y a plus de 80 ans, de cinq Canadiennes de ma province, l'Alberta. Tous les jours, regarder de la fenêtre de mon bureau le monument des « Célèbres cinq » est pour moi une source d'inspiration. Je suis très fière que le monument qui se dresse juste à l'entrée du Sénat soit une réplique du monument aux « Célèbres cinq », à Calgary, œuvre d'une sculptrice albertaine, Barbara Paterson. Je tiens également à saluer l'important travail de la Fondation Famous Five, à qui nous devons l'idée à laquelle donne suite la motion à l'étude aujourd'hui.

Emily Murphy a lutté pendant dix ans pour obtenir le droit d'être nommée au Sénat. Plus de 10 000 citoyens ont signé des pétitions et écrit des lettres pour appuyer son combat. Cinq gouvernements ont manifesté leur appui, mais en disant qu'ils avaient les mains liées parce que seules des « personnes ayant les qualifications voulues » pouvaient être nommées au Sénat. Or, cette définition n'englobait pas les femmes.

Deux premiers ministres ont promis de modifier la loi, mais ils n'ont pas tenu parole. Emily Murphy s'est donc adressée aux tribunaux. La loi de l'époque permettait à tout groupe de cinq personnes de faire appel à la Cour suprême, par l'intermédiaire du Cabinet fédéral, pour faire préciser un point de droit constitutionnel. Emily Murphy, Henrietta Muir Edwards, Louise McKinney, Irene Parlby et Nellie McClung se sont donc regroupées, et elles ont posé à la Cour suprême la question suivante : « La notion de « personne » dans l'article 24 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, comprend-elle les femmes? »

La Cour suprême du Canada a répondu non. Les « Célèbres cinq » ne se sont pas découragées. Grâce au soutien moral et financier du premier ministre Mackenzie King, la pétition a été portée devant le Comité judiciaire du Conseil privé d'Angleterre. Le Conseil privé a répondu à l'unanimité que les femmes étaient des personnes et qu'elles pouvaient donc être membres du Sénat du Canada.

Honorables sénateurs, j'aimerais lire un court extrait du jugement de lord Sankey, lord chancelier du Conseil privé. Il a dit :

L'exclusion des femmes de toute charge publique est un vestige d'une époque plus barbare. Aux personnes qui se demandent si le mot « personne » doit comprendre les femmes, la réponse est évidente : pourquoi pas?

Quatre mois après cette décision, le premier ministre Mackenzie King nomma la première femme sénateur, Cairine Reay Mackay Wilson, de l'Ontario.

Honorables sénateurs, cette motion n'est pas de nature partisane. J'espère que vous comprendrez que je ressens beaucoup de fierté quant au fait que c'est un premier ministre libéral qui a contribué au dénouement de cette décision et qui a été le premier à recommander la nomination d'une femme au Sénat. De plus, madame le sénateur Wilson a siégé dans cette assemblée comme libérale.

Tout comme ma collègue, madame le sénateur Cochrane, je n'oublierai jamais la dette que j'ai envers ces cinq extraordinaires Canadiennes — la dette que toutes les femmes du Canada et du monde entier ont envers elle.

Honorables sénateurs, à l'époque, un journal britannique avait appelé l'affaire « personne » un « triomphe pour les Canadiennes », mais celle-ci marquait également un grand tournant pour les femmes dans tout l'empire britannique, car une décision historique venait de reconnaître aux femmes le statut de personne en vertu de la common law britannique. Les femmes britanniques et les femmes dans tout l'empire devinrent des personnes en vertu de cette décision rendue en 1929.

Le sénateur Cochrane a cité un certain nombre d'étapes marquantes pour les femmes dans la vie politique canadienne. À cette liste remarquable, j'aimerais ajouter une étape de plus : le moment où notre collègue, madame le sénateur Fairbairn, est devenue la première femme à occuper le poste de leader du gouvernement au Sénat.

Elle a également joué un rôle très important, tout comme le sénateur Marjory LeBreton, dans la réalisation du monument aux « Célèbres cinq », qui se dresse à l'extérieur de l'entrée du Sénat, à l'édifice du Centre. Ce monument nous rappelle à tous ce que peuvent accomplir quelques Canadiennes déterminées.

De son vivant, Emily Murphy n'a jamais réussi à devenir sénateur. Je crois que ce fut une grande occasion ratée pour le Canada.

Honorables sénateurs, j'ai accueilli de tout cœur la motion du sénateur Cochrane tendant à nommer, à titre posthume, chacune des « Célèbres cinq » sénatrice honoraire. Toutefois, j'ai quelques réserves quant aux répercussions éventuelles de ce geste.

La prérogative de nommer des personnes au Sénat ne relève pas de nous. Il incombe au gouverneur général de nommer les sénateurs, sur les conseils du premier ministre. Établissons-nous un précédent avec cette motion? En l'espèce, nous envisageons une reconnaissance à titre posthume. Et si les personnes que l'on souhaite honorer étaient toujours vivantes? Quels seraient les critères?

Honorables sénateurs, j'ai pris bonne note de la déclaration faite par madame le sénateur Cochrane le 30 septembre. Elle a dit qu'il s'agissait d'un hommage « spécial et unique » destiné à ces cinq femmes. Selon moi, ces femmes ont véritablement apporté une contribution exceptionnelle à la société, en particulier au Sénat. Leur lien avec le Sénat est effectivement spécial et unique. C'est un lien incomparable. Par conséquent, je suis fière d'appuyer la motion du sénateur Cochrane. Toutefois, j'insiste sur le fait que cette motion ne devrait pas être perçue comme un précédent. Beaucoup de sénateurs de ce côté-ci estiment que cette motion devrait être une reconnaissance décernée une seule fois en raison du lien spécial que ces femmes entretenaient avec la Chambre haute.

Dans le cas peu probable où cette question referait surface à l'avenir, je crois qu'une telle proposition devrait être renvoyée à notre Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Le comité pourrait tenir compte de points cruciaux tels que les critères devant être appliqués pour conférer un tel honneur.

Je me demande également si, aujourd'hui, c'est de cette façon que ces cinq femmes voudraient vraiment être honorées. La petite-fille de Nellie McClung, Marcia McClung, a parlé en 2007 de l'héritage laissé par sa grand-mère. Elle a dit :

Ma grand-mère, Nellie McClung, qui était une suffragette et une auteure, était vraiment déterminée à améliorer le sort des femmes au Canada, mais elle anticipait aussi que les femmes allaient devoir continuer à contester des pratiques discriminatoires durant des générations encore.

Je sais gré à ma collègue d'en face d'avoir présenté cette motion, mais je crois que les « Célèbres cinq » auraient préféré voir le gouvernement rétablir le financement accordé aux groupes de femmes, afin que ceux-ci puissent continuer à promouvoir et à défendre leurs droits, c'est-à-dire à faire ce que ces cinq femmes faisaient et que nous voulons honorer ici aujourd'hui.

J'ai été profondément marquée par le fait que Emily Murphy ait essayé de différentes manières, mais qu'elle n'ait pu réussir seulement en recourant à la justice, à faire préciser l'interprétation d'une « provision constitutionnelle ».

J'ai également été étonnée de découvrir que le premier ministre Mackenzie King a fourni un soutien financier pour l'appel des « Cèlébres cinq » au Conseil privé. En effet, le gouvernement a financé les frais d'avocat au coût de 23 368,47 $, dont 21 000 $ pour l'appel au Conseil privé.

Nous pourrions presque dire que sa contribution était un précurseur du Programme de contestation judiciaire, qui, durant de nombreuses années, a fourni un soutien essentiel aux femmes déterminées à protéger et à promouvoir leurs droits.

Je pense que la meilleure façon d'honorer les « Célèbres cinq » serait de rétablir le financement accordé aux groupes de femmes qui font la promotion de leurs droits, et de remettre en place le Programme de contestation judiciaire qui a été aboli par le gouvernement actuel.

Je souhaite que celles que nous honorons soient avec nous aujourd'hui, en cette Chambre, en tant que collègues et partenaires égales au Sénat du Canada. De leurs yeux de bronze, elles nous contemplent de l'extérieur et observent ce que nous faisons dans cette assemblée.

Je suis fière d'appuyer cette motion visant à conférer à ces femmes exceptionnelles le statut de sénatrices honoraires. Emily Murphy, Nellie McClung, Irene Parlby, Louise McKinney et Henrietta Muir Edwards, vous avez mérité votre place ici.


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