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Deuxième lecture du projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge

Deuxième lecture du projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge
Cities and Infrastructure

Deuxième lecture du projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge


Publié le 19 février 2015
Hansard et déclarations par l’hon. Art Eggleton

L’honorable Art Eggleton :

Honorables sénateurs, la semaine dernière, le sénateur Enverga s’est prononcé, avec beaucoup d’enthousiasme, en faveur de ce projet de loi. En 2011, le gouvernement a annoncé pour la première fois qu’il voulait créer un parc national dans la vallée de la Rouge, et cela a suscité beaucoup d’intérêt. Les membres de la communauté, les organisations locales et les politiciens du coin, qui s’efforçaient de protéger cette région depuis plus de 30 ans, étaient ravis. Quelques années plus tard, on peut malheureusement constater que leur enthousiasme a été rudement mis à l’épreuve.

De plus en plus de gens s’opposent farouchement au plan que propose le gouvernement fédéral — et non à l’idée de créer un parc. Le gouvernement de l’Ontario, les villes et les organisations locales qui militaient depuis longtemps en faveur de la création d’un parc national rejettent maintenant le plan du gouvernement.

La Société pour la nature et les parcs du Canada a dit que le projet de loi devait être réécrit. Les Amis du bassin de la rivière Rouge, Environmental Defence, la coalition STORM, Nature Canada et Ontario Nature rejettent le projet de loi dans sa forme sa forme actuelle. Il n’y a que le gouvernement fédéral qui semble satisfait de l’approche préconisée dans le projet de loi.

Le gouvernement fédéral est le seul qui semble se satisfaire de l’approche employée dans le projet de loi.

Voilà qui est fort malheureux, honorables sénateurs. Les parcs nationaux sont une grande richesse pour les Canadiens. Les familles peuvent s’instruire sur les merveilles de la nature et les admirer dans ces parcs, qui sont l’endroit rêvé pour explorer, décompresser et échapper au rythme trépidant de nos vies. Les parcs nationaux font partie de notre identité nationale et culturelle. Ils ont contribué au récit historique de notre pays.

Les parcs nationaux sont importants pour la sauvegarde de l’environnement. Des écosystèmes y sont préservés et des espèces en péril y sont protégées. Les parcs nationaux protègent en outre nos forêts, qui réduisent notre empreinte de carbone et qui sont nécessaires pour combattre les changements climatiques.

Les parcs nationaux constituent également un important apport économique. Ils stimulent le tourisme et créent des emplois, ce qui est essentiel pour assurer la vigueur et la diversité de l’économie. Selon une étude réalisée en 2011 par le Conseil canadien des parcs, les retombées économiques des parcs nationaux sont de 4,6 milliards de dollars.

Il est malheureux que le plan du gouvernement suscite une telle opposition. Le gouvernement aurait dû tenir compte des objections. Plusieurs organismes ont écrit au gouvernement pour lui exprimer leurs objections, mais ils se sont heurtés à un mur de silence. Le sénateur Enverga les écoutera peut-être.

Les personnes venues témoigner devant le comité de la Chambre ont exprimé leurs objections et formulé des recommandations substantielles, mais le gouvernement n’a donné suite à aucune de celles-ci. Les partis de l’opposition de l’autre endroit ont présenté 18 amendements pour bonifier ce projet de loi. Ceux-ci ont tous été rejetés.

Honorables sénateurs, quelles sont ces objections? Il y en a beaucoup, mais je voudrais me concentrer sur trois d’entre elles.

Premièrement, le gouvernement n’a pas écouté la population locale concernant la superficie du parc. Celle qui est prévue est de seulement 58 kilomètres carrés, ce qui est beaucoup plus petit que ce que la population voulait. Elle voulait que le parc ait une superficie de 100 kilomètres carrés et qu’il s’étende du lac Ontario jusqu’au cœur de la moraine d’Oak Ridges. Ces terres font partie des plaines à forêts mixtes et des zones de la forêt carolinienne du Sud de l’Ontario. On y trouve une grande diversité biologique et beaucoup d’espèces en péril. En outre, ce sont des terres qui appartiennent déjà en bonne partie à l’État fédéral. Il serait insensé de ne pas les inclure dans le parc.

Un parc de 100 kilomètres carrés serait beaucoup plus dynamique et protégerait beaucoup mieux cette importante zone écologique.

La deuxième grande source de préoccupation est l’absence de garanties environnementales dans le projet de loi. Toutes les lois instituant des parcs nationaux comportent, sans exception, une disposition précise assurant la gérance de l’environnement, mais pas le présent projet de loi. C’est déconcertant. La disposition que l’on trouve généralement dit ceci :

[…] un ensemble d’objectifs et d’indicateurs relatifs à l’intégrité écologique, et des dispositions visant la protection et le rétablissement des ressources, les modalités d’utilisation du parc par les visiteurs, le zonage, la sensibilisation du public et l’évaluation du rendement; [le ministre] fait déposer [le plan] devant chaque Chambre du Parlement.

L’expression à retenir ici, honorables sénateurs, est « intégrité écologique ».

En termes simples, les écosystèmes ont une intégrité lorsque les éléments qui les composent […] sont intacts, [notamment] le milieu physique (p. ex. l’eau, la roche), la diversité biologique (la composition et l’abondance des espèces et des communautés dans un système […].

Pour tous les parcs nationaux qui sont sous sa responsabilité, Parcs Canada a pour objectif, un objectif défini par la loi, de :

[…] permettre aux gens de profiter des endroits uniques que sont les parcs nationaux sans nuire à leur intégrité.

À cette fin, Parcs Canada crée un plan de gestion des écosystèmes qui doit respecter huit principes directeurs, tels que : « […] les stratégies de conservation devraient maintenir ou restaurer les processus écologiques clés qui reflètent les conditions naturelles » et « […] les activités humaines et les installations doivent être compatibles avec la protection des écosystèmes des parcs pour ce qui est du type, du nombre et de la période d’utilisation ». Honorables sénateurs, cette disposition et cette norme élevée n’ont pas été incluses dans le présent projet de loi. On les trouve dans d’autres projets de loi, mais pas dans celui-ci. À la place, le présent projet de loi comporte une vague déclaration à l’article 6, qui dit ce qui suit :

Dans le cadre de la gestion du parc, le ministre prend en considération la protection des paysages culturels et des écosystèmes naturels du parc, la préservation des espèces sauvages indigènes de celui-ci et le maintien de la santé de ces écosystèmes.

Vous rendez-vous compte, honorables sénateurs? Le ministre est seulement tenu de prendre la question en considération. C’est plutôt timide comme énoncé, et on ne peut certainement pas dire qu’il s’agit d’un plan.

Le terme « santé écologique » n’est pas défini dans le projet de loi. Que signifie-t-il? Personne ne le sait. Nous savions ce que signifiaient les termes employés précédemment, mais voilà qu’ils ont été changés. Pourquoi donc?

Pourquoi est-ce même un problème? Nous savons tous, honorables sénateurs, qu’il existe une très bonne raison d’inclure des définitions dans un projet de loi. Les priorités d’un ministre donné ne sont pas nécessairement celles de son prédécesseur. Les définitions nous permettent de limiter le pouvoir discrétionnaire des ministres et de veiller à ce que l’esprit du projet de loi soit respecté et non déformé.

Aux termes du libellé actuel, le ministre a le pouvoir d’aller à l’encontre des intérêts du parc. Il a le pouvoir de faire fi des conseils des écologistes, des résidents et des autres ordres de gouvernement; il est seulement tenu de prendre leurs idées en considération.

Honorables sénateurs, à la lumière de cet engagement plutôt faible à l’égard de l’environnement, le gouvernement de l’Ontario s’oppose maintenant à la création du parc. C’est un développement important, car l’Ontario contrôle actuellement 22 kilomètres carrés, soit 44 p. 100, du lot de 58 kilomètres sur lequel on envisage d’établir le parc.

Les gens pensaient que le parc aurait une superficie de 100 kilomètres carrés. Nous avons la place pour le faire. Le parc proposé par le gouvernement aurait une superficie de 58 kilomètres carrés, mais 44 p. 100 de ce terrain appartient à la province, et celle-ci a retiré son appui. C’est un parc national, ça? C’est une blague. Ce n’est pas un parc national. L’Ontario refuse de transférer les terres.

Brad Duguid, ministre de l’Infrastructure de l’Ontario, a dit que la proposition était une blague. C’est la position du gouvernement de l’Ontario, qui détient 44 p. 100 des terres où les conservateurs cherchent à établir le parc national.

Il a également dit que, loin de recommander que les terres soient transférées, il n’envisagera même pas la chose avant d’avoir reçu les assurances requises en matière d’intégrité environnementale. Le ministre Duguid a dit ce qui suit :

En vertu des lois et règlements provinciaux en vigueur, la portion du parc proposé appartenant à l’Ontario bénéficie d’une protection environnementale rigoureuse. Notre gouvernement a toujours été un fervent partisan du parc urbain national de la Rouge, mais il ne tolérera aucun affaiblissement des lois le régissant.

Voilà ce qu’en pense un ministre du gouvernement de l’Ontario.

Si l’Ontario ne transfère pas ces terres, le parc sera si petit et éparpillé qu’il ne sera que l’ombre d’un parc. Comment pouvons- nous en être fiers? Comment pouvons-nous nous enthousiasmer à cette perspective?

La troisième préoccupation que j’ai porte sur l’article 8. On y dit que la ministre peut nommer un comité consultatif sur la gestion du parc. Cependant, honorables sénateurs, cela signifie aussi que la ministre peut ne pas nommer de comité consultatif et ne pas entendre les voix d’intervenants externes chevronnés dont la vaste expertise pourrait servir à assurer l’intégrité publique et l’intendance environnementale du parc. Peut-être que, si le gouvernement avait un meilleur bilan au plan environnemental, nous préférerions qu’elle ne tienne pas compte des vues de l’extérieur, mais comme il a cumulé les échecs dans ce dossier, je n’ai pas très confiance.

Pour conclure, honorables sénateurs, cette question aurait dû être expédiée vite fait. Le gouvernement fédéral aurait dû régler l’affaire rapidement. Comment est-il possible qu’il ait gâché un parc national? Tout le monde était d’accord, mais au bout du compte, le plan n’a pas su plaire à bien des gens. Peut-être que lorsque nous en discuterons en comité, les témoins pourront apaiser ces préoccupations. Je suis disposé à les écouter et j’espère que mes collègues de l’autre côté de l’allée seront aussi ouverts à leurs suggestions.

 

 

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