L’étude sur l’incidence croissante de l’obésité—Deuxième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et demande de réponse du gouvernement
Publié le 10 mars 2016 Hansard et déclarations par l’hon. Art EggletonL’honorable Art Eggleton :
Honorables sénateurs, je suis enchanté de pouvoir prendre la parole après avoir appuyé la motion présentée hier par le sénateur Ogilvie, qui nous propose d’adopter le rapport du comité.
Ce rapport porte sur l’obésité et constitue un jalon important en matière de communication, parce que beaucoup de gens en ont entendu parler. Je vais attirer votre attention sur quelques éléments du rapport pour étoffer et compléter ce que le sénateur Ogilvie a dit hier.
Le sénateur a commencé hier par remercier les personnes dont la contribution nous a permis de compléter le rapport. Je ne voudrais certainement pas recommencer à nommer tout le monde, car je suis d’accord avec le sénateur et je partage ses sentiments. Toutefois, je voudrais ajouter une personne, à savoir le sénateur Kelvin Ogilvie lui-même, que je félicite de son travail en qualité de président du comité. Il veille à ce que le comité puisse recueillir l’information dont il a besoin pour prendre des décisions judicieuses et basées sur des faits concernant les recommandations à formuler. Je lui rends hommage, à lui aussi, pour son travail.
Je tiens aussi à souligner que, pendant la période où lui et moi avons été président et vice-président — en fait, auparavant, c’était l’inverse, et il faut donc en tenir compte également —, tous les rapports que nous avons publiés ont fait l’objet de la même étude minutieuse, du même souci du détail qui ont valu un grand crédit tant au comité qu’au Sénat lui-même.
Je suis très heureux de pouvoir ajouter que tous les rapports que nous avons produits sur nos études ont été adoptés à l’unanimité par le comité. Cela en dit long sur la coopération dont nous pouvons faire preuve pour parvenir à élaborer d’excellentes initiatives en matière de politique, des propositions de politique que les gouvernements passés, actuel ou futurs ont pu adopter ou pourront adopter pour bien servir les Canadiens. Ce qui est présenté aujourd’hui est l’une de ces propositions.
Avant que abordions le problème, je n’étais pas conscient de sa gravité. Nous savons que l’obésité existe, mais son aggravation des dernières années est consternante. Il s’agit vraiment d’un très grave problème de santé pour notre pays. Non seulement il touche bien des personnes, dont il dégrade le niveau de vie, la qualité de vie, mais il peut aussi mettre leur vie en danger et faire apparaître des maladies comme le diabète de type 2, le cancer et les maladies coronariennes.
Ces problèmes de santé ont de lourdes conséquences pour de très nombreuses personnes et pour nous tous, car nous connaissons des personnes qui en souffrent.
Nous connaissons des gens qui ont du mal à lutter contre l’obésité. C’est particulièrement difficile non seulement pour la personne, mais aussi pour la société dans son ensemble. Le type de culture, de situation obésogène où nous sommes aujourd’hui est un problème pour toute la société. Il faut donc s’attaquer au problème dans cette optique, et c’est ce que nous avons tenté de faire au moyen des 21 recommandations qui figurent dans le rapport.
Depuis 1980, le nombre d’adultes obèses a doublé. Ajoutons à leur nombre ceux qui ont un problème de surpoids, et c’est la majorité de la population qui est touchée. C’est renversant. Chez les enfants, le nombre d’obèses a triplé depuis 1980.
Nous avons recueilli le témoignage de différentes organisations, comme la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, l’Association canadienne du diabète et la Société canadienne du cancer, et bien d’autres, qui ont acquis de grandes compétences et beaucoup de connaissances à cet égard. Nous avons écouté le point de vue de médecins, de chercheurs, de spécialistes.
L’un des grands atouts de nos comités, c’est leur capacité de faire appel aux plus grands experts qui existent au Canada et à l’étranger. Ils puisent à toutes ces sources pour formuler des recommandations.
Ces recommandations ne sont pas élaborées à la légère, et elles se gardent de toute exagération et de toute distorsion. Elles reposent sur les très solides témoignages que nous avons recueillis.
Les statistiques sont stupéfiantes : 25 p. 100 d’adultes obèses, 13 p. 100 d’enfants obèses, soit deux fois plus d’adultes et trois fois plus d’enfants obèses qu’en 1980. Ce qui se passe chez les Autochtones est plus ahurissant encore : 35 p. 100 des adultes sont obèses et 62 p. 100 des enfants le sont — 62 p. 100, c’est consternant. C’est à la fois incroyable et absolument renversant. Depuis 1980, ceux qui contractent le diabète sont de trois à cinq fois plus nombreux qu’avant 1980, et c’est là une très grave maladie.
L’obésité nous touche non seulement parce qu’elle atteint des parents et des amis, mais aussi parce qu’elle a des conséquences pour les finances de tout notre pays. L’obésité coûte des milliards de dollars. On estime que les coûts se situent entre 4,5 et 7 milliards de dollars par année, si on tient compte des nombreux coûts directs et indirects.
Dans nos recommandations, nous réclamons une campagne nationale de lutte contre l’obésité. Le sénateur Ogilvie a dit hier qu’il s’agit de notre première recommandation. Nous devons faire appel à tous les intervenants pour élaborer cette campagne. Il faut que les autorités fédérales prennent la tête de cette initiative et il faut que le programme soit, à certains égards, analogue à notre campagne de lutte contre le tabagisme, par l’intensité et la concentration que nous avons mobilisées contre ce problème. Il nous a tout de même fallu plusieurs années pour obtenir les résultats souhaités. Il faudra peut-être un certain temps cette fois-ci encore, mais lançons les efforts maintenant. Considérons les objectifs, le calendrier et les moyens de mesurer les progrès dans notre lutte contre l’obésité au Canada.
Plus loin, dans le rapport, nous proposons d’autres recommandations. Je ne vais pas les aborder toutes, mais je vais dire un mot du guide alimentaire. Dans des pays comme les États- Unis, le guide alimentaire est actualisé tous les cinq ans. Nous n’avons pas mis le nôtre à jour depuis 2007. La version précédente remontait à 1993. C’est dire que la mise à jour avait pris encore plus de temps. La conception et les données en diététique évoluent. Par exemple, l’attitude à l’égard des lipides et le manque de donnés sur leurs effets. Toutes les matières grasses ne sont pas nocives. Chose certaine, le guide alimentaire actuel porte plus de gens à éviter tous les lipides quels qu’ils soient et à les remplacer par des hydrates de carbone, dont, pourtant, certains accentuent le problème de l’obésité.
La chose la plus importante, dans un guide alimentaire, est d’attirer l’attention du consommateur sur les aliments hautement transformés. C’est de ce côté que se situe une grande partie du danger, pour ce qui est des excès de sucre, de matières grasses et de sel. Il faut s’éloigner de certains de ces aliments, et c’est l’affaire des consommateurs, car ce sont eux qui décident. Les renseignements à leur donner dans un guide seront très importants. Le guide alimentaire est l’un des documents les plus populaires de l’administration publique. Veillons à ce qu’il aide à donner aux consommateurs l’information qu’ils doivent obtenir.
Prendre ses distances avec les aliments hautement transformés, c’est une chose. Le Brésil a récemment revu son guide. Très tôt, il parle de la nécessité d’éviter ces aliments et de leur préférer les aliments sains et naturels, mais il parle aussi de ce qui doit se retrouver dans l’assiette au repas. Notre guide parle moins des repas que des éléments nutritifs, mais les gens consomment des repas, et non des nutriments. Parlons donc des repas. Les États-Unis revoient leur guide tous les cinq ans, et le guide actuel parle désormais de « mon assiette ». Il adopte donc un certain discours, une description des aliments compatibles avec un mode de vie plus sain et des aliments à éviter le plus possible pour s’éloigner d’un style de vie malsain.
Nous réclamons aussi l’interdiction de la publicité des boissons sucrées destinée aux enfants. Comme le sénateur Ogilvie l’a fait remarquer fort justement, il s’agit là d’une population très vulnérable. Bien des publicités de produits qui contiennent des substances malsaines s’adressent aux enfants. Nous proposons au gouvernement de réfléchir à la possibilité d’une réglementation qui s’inspirerait de ce qui se fait déjà au Québec, qui a interdit cette publicité destinée aux enfants. Et vous savez quoi? Le Québec a le taux d’obésité le plus bas du Canada chez les enfants âgés de 3 à 11 ans. Que faut-il en déduire? Qu’il n’est pas inintéressant d’interdire cette publicité destinée aux enfants. Et n’allez pas croire que l’industrie s’abstiendra volontairement. Cette formule a été essayée, et elle ne donne aucun résultat.
L’élément le plus controversé, c’est la taxe. Dans certains pays, le nôtre y compris, c’est pire qu’un mot obscène. Il s’agit dans ce cas-ci d’une taxe sur les boissons sucrées. Saviez-vous qu’une canette de soda contient l’équivalent de 10 cuillères à thé de sucre? Imaginez. C’est plutôt dur pour le système. Quiconque consomme une canette de soda par jour atteint la quantité de sucre recommandée quotidiennement. De plus, bien sûr, il y a une foule d’autres produits, dont les aliments hautement transformés, qui contiennent du sucre. On consomme donc probablement plus de sucre que ce qu’on absorbe dans une canette de soda.
Nous ne proposons pas une razzia fiscale au gouvernement. Nous proposons que cette taxe soit compensée par des réductions de taxe. Où appliquer ces réductions? Allez au marché d’alimentation. Vous achetez une tomate, un chou, une laitue et tous les autres ingrédients pour confectionner une salade. Il s’agit de « produits de base », et ils ne sont pas touchés par la taxe. Pas de TPS ni TVH. Cependant, tout à côté, on trouve un sachet de plastique qui contient une salade toute faite à partir des mêmes ingrédients, et ce produit est taxé. C’est insensé. On ne devrait pas payer de taxe sur un produit alimentaire sain.
Une ou deux allées plus loin, on trouve les boîtes de céréales, qui contiennent énormément de sucre et de sel. Pas de taxe parce que ce sont des produits de base. Il y a un déséquilibre entre ce qui est sain et taxé et ce qui est malsain et non taxé. Tout revenu perçu sur les boissons sucrées devrait servir à compenser ce déséquilibre et à exonérer les aliments sains. Le Trésor ne va pas tirer parti de cette taxe si notre proposition est retenue, mais les consommateurs seront évidemment en meilleure posture, puisqu’ils paieront les aliments sains moins cher que les aliments malsains. Cela n’empêchera personne d’acheter le produit malsain, tout comme on ne peut empêcher quiconque de fumer, mais les consommateurs y penseront à deux fois, surtout lorsqu’il s’agit de faire consommer ces produits par leurs enfants.
Voilà donc quelques-unes des recommandations du comité. Il faut améliorer l’étiquetage parce qu’il prête souvent à confusion. Peut- être pourrions-nous avoir des étiquettes sur le devant de l’emballage ou un système de feux rouges et verts, comme en voit un en Suède et au Royaume-Uni, pour indiquer la teneur en sucre, en lipides et en sel. Ainsi, le feu vert signifierait que la teneur est sans danger, qu’elle est saine pour le consommateur.
Comme je l’ai dit, il y a quelque 21 recommandations. Je vous conseille de lire le rapport. Chose certaine, les réactions que j’ai recueillies du public grâce à notre nouveau plan de communication ont été très favorables. N’oubliez pas que même des recommandations telles que la taxe sur les boissons sucrées ont reçu l’appui de grandes organisations comme la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada et l’Association canadienne du diabète, par exemple. Des témoins des milieux médicaux qui ont comparu estiment que c’est là une nécessité absolue, car il s’agit d’un élément majeur du problème.
J’espère que nous adopterons le rapport et que le gouvernement le mettra en œuvre. Nous attendrons avec impatience sa réponse au rapport, comme l’exige la résolution, et nous espérons qu’il agira, car cela aidera de nombreux Canadiens à mener une vie plus saine et à vivre plus longtemps.
Des voix : Bravo!