Un sénateur s’adressant au gouvernement Harper : cessez de calomnier les organismes de bienfaisance
Publié le 7 juin 2012 Publication @fr par l’hon. Robert W. Peterson (retraité) @frCes dernières semaines, le gouvernement cherchait à calomnier les organismes de bienfaisance et leurs bailleurs de fonds étrangers. Des ministres ont publiquement qualifié de « radicaux » les donateurs étrangers et de « blanchisseurs d’argent » les organismes de bienfaisance canadiens qui reçoivent des dons.
Face aux directeurs d’organismes de bienfaisance qui ont tenu bon et à mesure que s’élargit la liste des victimes du Parti conservateur, on se doit de poser la question que personne ne semble vouloir poser : qu’en est-il de l’Institut Fraser? En outre, pourquoi le gouvernement semble-t-il vouloir étiqueter de radicaux une partie des donateurs étrangers et non une autre? Si le gouvernement craint que des donateurs étrangers n’influencent l’opinion publique, ne devrait-il pas redouter l’influence de TOUS les donateurs étrangers?
En revanche, je crois en une démocratie ouverte et engagée; je crois en l’inclusion des voix dissidentes et je crois dans les groupes qui essaient d’influencer l’opinion publique – parce qu’après tout, c’est bien cela la démocratie. Je n’admets pas qu’un gouvernement prête l’oreille à des voix qu’il veut entendre et réduise au silence celles avec lesquelles il est en désaccord. Car c’est bien là le contraire de la démocratie.
Parfaitement légal
Selon les règles de l’Agence du revenu du Canada, les organismes de bienfaisance sont légalement autorisés à recevoir de l’argent de fondations américaines et à utiliser une partie de cet argent pour défendre des intérêts politiques. Par exemple, le fait de s’opposer à la construction d’un pipeline est considéré comme une activité légitime de défense d’intérêts politiques. Tout comme le fait de militer contre l’avortement ou de protester contre tout autre texte de loi du gouvernement.
De quoi s’inquiète donc le gouvernement? Si la défense d’intérêts politiques est légitime en soi, ce doit être que les organismes étrangers qui fournissent des fonds à des groupes environnementaux sont particulièrement louches.
L’Institut Fraser est un groupe de réflexion qui effectue des recherches pour le public. C’est aussi un organisme de bienfaisance enregistré; les donateurs bénéficient d’allégements fiscaux en échange de dons. L’Institut Fraser reçoit des fonds de diverses sources étrangères.
Financement étranger à l’extrême droite
Les frères Koch, deux milliardaires américains, magnats du pétrole dont la richesse aux États-Unis n’est dépassée que par celle de Warren Buffet et de Bill Gates, sont parmi les plus gros bailleurs de fonds de l’Institut Fraser. Ils ont la haute main sur des milliers de kilomètres de pipeline, ont versé des dizaines de millions de dollars aux candidats républicains et sont considérés comme les « moteurs financiers » du mouvement Tea Party. Ils ont financé des projets qui ont pour effet de miner les travaux sur les changements climatiques, d’anéantir les lois environnementales, les taxes, les syndicats et tout ce qui se rapporte à la réforme des soins de santé. Ils ont également des intérêts dans le pipeline Keystone XL, qui entre dans le processus d’évaluation environnementale.
Depuis 2007, les frères Koch ont versé plus d’un demi-million de dollars à l’Institut Fraser et, avant 2008, l’Institut a reçu des fonds de la Claude R. Lambe Foundation, une société parapluie des Koch Family Foundations. Une recherche effectuée dans les documents publiés par la Legacy Tobacco Documents Library à l’Université de Californie, à San Francisco, montre qu’il est question de l’Institut Fraser dans non moins de 209 documents. Ceux-ci indiquent que l’organisme a reçu au fil des ans des centaines de milliers de dollars des grandes compagnies de tabac américaines.
D’après la déclaration de revenus de 2010 de l’Institut Fraser, les fonds provenant de sources étrangères ont totalisé près de 16 % du financement global de l’organisme, soit plus de 1,7 million de dollars en 2010 et 2,9 millions de dollars en 2009. On peut comparer ces chiffres au montant total de 1,1 million de dollars provenant de sources étrangères que la Fondation David Suzuki a reçus en 2009 et en 2010.
L’Institut Fraser a publié dans le passé des rapports critiquant les mesures législatives de lutte contre le tabac, un rapport mettant en doute le lien probant entre la fumée secondaire et le cancer des poumons, ainsi que de nombreux rapports remettant en question la science du changement climatique et le réchauffement planétaire. La Fondation Suzuki a publié dans le passé des rapports critiquant la construction de pipelines, des rapports avançant l’idée que les bouleversements climatiques sont induits par l’humain et des rapports au sujet de la taxe sur le carbone.
Dans l’intérêt de l’équilibre
Si l’argent des magnats du pétrole américains, milliardaires, peut être utilisé contre la science démontrant le réchauffement planétaire, je ne vois pas pourquoi des fonds étrangers ne pourraient pas servir à informer le public de l’impact environnemental possible d’un pipeline. Si l’argent de compagnies de tabac américaines peut être utilisé pour mettre en doute des données scientifiques sur la fumée secondaire et les mesures législatives interdisant l’usage du tabac dans les lieux publics, je ne vois pas pourquoi des fonds étrangers ne pourraient pas servir à mettre en question le fondement de la réforme législative environnementale et le processus d’évaluation environnementale. Pourquoi pas?