L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) :
Madame Maynard, je vous remercie d’être ici ce soir et vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Mes questions portent sur le projet de loi C-58 et vos idées et vos opinions à son sujet. Par souci de clarté, le projet de loi C-58 s’intitule « Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence ».
Des dizaines de Premières Nations et de conseils tribaux ont exprimé des inquiétudes quant aux conséquences que pourrait avoir le projet de loi C-58 sur les revendications territoriales de longue date, car la plupart des preuves liées aux revendications territoriales sont entre les mains du gouvernement fédéral. Je vous renvoie à l’article 6 du projet de loi C-58 et à la section 6 de la loi précédente, qui donne le droit au commissariat de rejeter une demande pour certains motifs. Je sais que des modifications ont été apportées, mais il reste tout de même des préoccupations.
D’après les directeurs nationaux de la recherche sur les revendications, le projet de loi C-58 nuirait à la capacité des Premières Nations d’accéder aux renseignements relatifs à leurs revendications, à leurs griefs et à leurs différends avec le gouvernement du Canada.
En octobre dernier, le président du Conseil du Trésor, Scott Brison, a promis de répondre à ces préoccupations. Comme je l’ai indiqué, certains amendements ont été apportés, mais ils sont encore jugés insuffisants.
Pouvez-vous me dire si le gouvernement fédéral désire apporter des amendements supplémentaires au projet de loi afin de répondre aux préoccupations exprimées? Y a-t-il la moindre possibilité qu’il le fasse?
Mme Caroline Maynard : Je ne le sais malheureusement pas. Je ne travaille pas avec les personnes responsables des modifications à la loi. Comme vous, je ne sais rien d’autre que ce que je lis dans les journaux et ce que j’ai lu dans les rapports.
Pour ma part, en me fondant sur ma propre expérience, je crains que l’article 6 puisse limiter ou retarder l’accès à l’information, parce qu’il a été modifié de façon à ce que l’accès ne puisse être refusé sans l’autorisation ni l’approbation de la commission. Comme je l’ai dit plus tôt, le fait d’ajouter des critères qui pourraient limiter ou retarder l’accès est inquiétant.
J’ai cru comprendre que la loi sera examinée dans un an, puis dans cinq ans. Si je devenais la prochaine commissaire, je serais en meilleure position, d’ici un an, pour évaluer et réévaluer les préoccupations soulevées jusqu’à présent, ainsi que pour signaler au Parlement si certaines préoccupations découlent des répercussions de ces changements sur les taux d’accès.
Le sénateur Day : Merci. Puis-je déduire de votre réponse que vous partagez certaines des préoccupations exprimées par les Premières Nations et les personnes qui les aident à régler leurs revendications territoriales de longue date?
Mme Maynard : Je partage certainement toute préoccupation concernant ce qui pourrait entraver davantage l’accès des Canadiens.
Le sénateur Day : Je suis aussi d’accord là-dessus. Plus précisément, qu’en est-il des Premières Nations et de ceux qui les appuient dans leurs démarches concernant les revendications territoriales?
Mme Maynard : C’est la même chose.
Le sénateur Day : Merci. J’ai un peu de difficulté à vous entendre, mais vous avez probablement autant de difficulté à m’entendre, alors nous sommes quittes.
J’aurais une question portant sur un autre élément, si vous me le permettez. Si j’ai bien compris, lorsqu’un sujet de recherche porte sur différents moyens de communication, par exemple des notes adhésives qu’on appose souvent à un dossier, ou encore une communication orale ou des messages électroniques, le projet de loi C-58 ne s’appliquerait pas. Est-ce que vous corroborez ma compréhension du projet de loi C-58 en ce qui concerne ces différents types de médiums?
Mme Maynard : Encore une fois, je n’ai jamais été commissaire et je ne possède pas toute l’expertise de la commission, mais, selon ce que j’ai compris, le projet de loi s’applique présentement aux notes adhésives. Elles sont considérées comme des documents éphémères et, dans certaines entités, les gens auraient tendance à les retirer. C’est pourquoi j’ai dit plus tôt qu’il fallait un changement de culture au sein de nos institutions, afin que les gens comprennent pourquoi l’accès à l’information est important pour les Canadiens.
Le meilleur exemple est celui de notre expérience en gestion. Les employés doivent pouvoir comprendre les décisions prises à leur sujet et avoir accès à certains renseignements pour pouvoir faire confiance à leur gestionnaire. C’est la même chose pour le gouvernement. Les Canadiens ont le droit d’obtenir les renseignements leur permettant d’avoir confiance dans les décisions prises en leur nom.
Je me dis souvent que, même si nous avions la meilleure loi au monde, la plus progressiste, si les institutions ne documentent pas les décisions qu’elles prennent, nous n’aurions pas un meilleur accès. C’est pourquoi il faut travailler avec les institutions. Nous devons faire la promotion de l’accès et de la transparence, pas seulement des pratiques exemplaires.
Une chose me préoccupe au sujet du pouvoir de publication actuel, et c’est qu’il semble porter beaucoup sur les décisions allant à l’encontre des institutions. Je ne veux pas travailler contre les institutions. Je veux travailler avec les institutions pour leur faire prendre conscience de leurs responsabilités, encourager les pratiques exemplaires et trouver des solutions. Le vérificateur général a les feux vert, jaune et rouge. C’est peut-être une chose que nous pouvons faire auprès des institutions : encourager les meilleures pratiques.
Le sénateur Day : Vos commentaires au sujet des pratiques exemplaires suscitent une autre question. Comme certains types de communications sont exclus et qu’il est important pour la population de savoir ce qui a aurait pu être dit, envisageriez-vous, maintenant ou à un moment donné, de rendre légalement obligatoire la consignation ce qui est dit chaque fois qu’un représentant du gouvernement – un fonctionnaire – discute d’un dossier sur une personne à l’extérieur? Envisageriez-vous de rendre la consignation de ces discussions obligatoires de par la loi, pour qu’il en reste des écrits et qu’on puisse voir ce qui s’est passé?
Mme Maynard : Je considère qu’il appartient au Parlement de déterminer s’il y a lieu de légiférer sur un devoir de divulgation, mais je pense qu’une politique, un encouragement de la commission ainsi que de la part de tous les partenaires et intervenants à donner cet accès est assurément la voie à suivre; il s’agit de s’entendre avec les intervenants et le commissaire à la protection de la vie privée pour s’assurer que tous sont constants dans leur approche. Mon mandat sera d’appliquer la loi. Si la loi ajoute une obligation, je veillerai à ce que cette obligation soit respectée.
Le sénateur Day : Nous espérons que vous considérez comme faisant partie de vos obligations d’encourager également l’élaboration de politiques et, si, un jour, il faut modifier la loi, comme vous l’avez mentionné, la loi serait alors réexaminée. Nous nous attendrions à ce que vous nous guidiez à cet égard.
Mme Maynard : Oui, en effet. Il est encourageant de savoir que la loi sera modifiée dans un an et qu’un examen sera mené dans cinq ans, afin que les leçons apprises et les préoccupations puissent être réévaluées. En tant que mandataire du Parlement, je me ferai un devoir de faire rapport sur les données et les préoccupations que j’aurai étudiées dans le cadre de mes fonctions.