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Deuxième lecture du projet de loi S- 224, Loi instituant la Journée nationale des produits du phoque et de la mer

Deuxième lecture du projet de loi S- 224, Loi instituant la Journée nationale des produits du phoque et de la mer

Deuxième lecture du projet de loi S- 224, Loi instituant la Journée nationale des produits du phoque et de la mer

Deuxième lecture du projet de loi S- 224, Loi instituant la Journée nationale des produits du phoque et de la mer


Publié le 25 mars 2015
Hansard et déclarations par l’hon. Céline Hervieux-Payette (retraitée)

L’honorable Céline Hervieux-Payette :

Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui pour vous parler du projet de loi S-224, Loi instituant la Journée nationale des produits du phoque et de la mer.

Ce projet de loi est un symbole, et vous savez qu’en politique les symboles comptent. Ce symbole, c’est la reconnaissance, par une loi du Parlement canadien, de l’importance des communautés côtières et de leur mode de vie dans la culture de notre pays; c’est l’expression de notre fierté envers les métiers difficiles que ces chasseurs et pêcheurs exercent, y compris la chasse au phoque; c’est notre volonté d’affirmer notre soutien à ces Canadiens qui sont confrontés à une crise sans précédent, orchestrée par des groupes de pression qui menacent à la fois la pérennité des moyens de subsistance de ces communautés et leur environnement, notre environnement.

Ce symbole, c’est aussi le choix de la date à laquelle on soulignera la journée canadienne des produits du phoque et de la mer, soit celle du 20 mai, date à laquelle l’Union européenne souligne, elle aussi, sa journée maritime.

L’Union européenne, qui a banni les produits canadiens du phoque non pas en fonction de raisons scientifiques, mais en fonction de considérations morales — et je reviendrai sur ce point plus tard —, honore depuis 2008 ses communautés côtières tout en mettant l’accent sur le développement durable.

La Journée maritime européenne, appelée aussi Journée européenne de la mer, doit mettre en évidence le rôle crucial que jouent les océans et les mers dans la vie quotidienne non seulement des populations côtières, mais aussi de l’ensemble des citoyens européens. Elle doit appeler à une meilleure croissance européenne durable et à l’emploi. Elle doit permettre une réflexion des pouvoirs publics sur une meilleure gestion des zones côtières, des mers et des océans de la part de tous les citoyens et acteurs concernés.

Ces objectifs, honorables collègues, ce sont aussi les nôtres. Oui, nous souhaitons affirmer que les océans jouent un rôle crucial pour la vie de nos communautés côtières et pour l’ensemble des Canadiens. Oui, nous souhaitons que l’économie durable de la mer puisse apporter la croissance et la création d’emplois que ces communautés méritent. Oui, nous appelons le gouvernement du Canada à poursuivre et à approfondir sa gestion durable des écosystèmes marins.

Or, nous devons le redire sans ambiguïté : la chasse au phoque au Canada n’est pas incompatible avec ces objectifs. Mieux, elle en est une partie intégrante, inaliénable.

La chasse au phoque joue un rôle crucial pour bien des communautés; elle a permis d’apporter travail, croissance et emplois à des populations qui vivent dans des régions isolées. Depuis la Commission royale d’enquête de 1986, la chasse au phoque s’effectue de manière durable et humaine et contribue à l’équilibre des écosystèmes marins. Enfin, la chasse au phoque est pratiquée par des pêcheurs qui vivent par et avec leur environnement.

Voilà pourquoi, honorables collègues, ce projet de loi vise à célébrer non seulement les produits du phoque, mais aussi, plus largement, les produits de la mer, car le prélèvement des produits du phoque s’inscrit dans cette grande activité de prélèvement des ressources de la mer.

Et voilà pourquoi je vous propose cette date du 20 mai, qui est identique à celle des Européens; nous partageons les mêmes préoccupations de gestion durable, de création d’emplois et de croissance soutenable que les Européens, y compris dans le cadre de notre chasse au phoque.

Cependant, les temps sont durs pour celles et ceux qui vivent de la chasse au phoque. J’ai commencé ce discours en parlant d’une crise sans précédent. C’est le cas. Cette crise a pris racine il y a plus de 40 ans et elle hypothèque désormais l’avenir des chasseurs de phoque et leurs activités de pêche.

J’ai eu l’occasion de le dire en cette Chambre par le passé : la disparition du marché des produits du phoque n’entraînera jamais la fin de l’abattage des phoques. Ceux qui prétendent le contraire manipulent l’opinion publique. En réalité, l’Homme aura toujours besoin de réguler l’écosystème auquel il appartient, cet Homme qui, dans bien des cas, s’avère être le seul prédateur naturel du phoque.

Au Canada, nous avons régulé notre écosystème en développant une gestion durable des espèces de phoque et une méthode d’abattage sans douleur, supervisée par des scientifiques indépendants, et j’ai suivi le cours que les chasseurs de phoque suivent auprès de ces scientifiques chaque année. Nous l’avons fait en développant un marché des produits du phoque, car seul un marché du phoque garantit le caractère éthique de la démarche, contrairement aux apparences et au discours tenu par les organisations végétariennes. En effet, il est plus moral d’utiliser à son maximum un animal prélevé dans son environnement que de ne rien en faire. Cette sagesse, nous la devons aux peuples autochtones.

En revanche, l’Union européenne pratique la politique de l’autruche : cachez ce phoque que je ne saurais voir, semble-t-elle dire. J’insiste sur le fait que, sous la pression des lobbies, elle a fermé son marché aux produits du phoque. Pourtant, des Européens continuent de tuer des phoques. Ainsi, en Écosse, les groupes animalistes et végétariens font toujours campagne contre les abattages de phoque commis, selon eux, par les producteurs de saumon afin de préserver leur source de revenus. En Suède, l’Agence pour la protection de l’environnement a permis l’abattage de 400 phoques en 2014 pour éviter l’épuisement des stocks de poisson. Les gouvernements de l’Estonie et de la Finlande ont recommencé, cette année, à attribuer des quotas de chasse au phoque gris en raison de la recrudescence de l’espèce. En outre, certains de mes collègues ici présents, qui ont participé à l’étude sur le phoque gris, que l’on retrouve surtout au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, savent que nous faisons face à une recrudescence incroyable de cette espèce de phoque.

Alors, je pose la question suivante : sans marché, qu’est-ce que l’Europe fait de ces phoques? La réponse : rien. Elle n’en fait rien. Elle coule les animaux morts, c’est-à-dire qu’elle les jette dans l’océan. Est-ce là une pratique plus morale que d’utiliser la ressource prélevée comme nous le faisons au Canada? Certainement pas. Pourtant, je le disais précédemment, ce sont sur des questions de moralité que l’Union européenne a fondé sa décision d’interdire les produits canadiens dérivés du phoque. C’est, en effet, parce que l’utilisation commerciale des populations de phoque a été jugée immorale qu’elle a été interdite. C’est un non-sens, comme je viens de l’expliquer. Cette position est pourtant validée par l’Organisation mondiale du commerce, ce qui constitue une décision sans précédent. Toute considération de cruauté ou de menace à l’espèce a été écartée dans le cadre de la décision européenne. La preuve, c’est que les groupes de pression, qui n’ont cessé de crier à la barbarie et au meurtre, n’ont fait que manipuler l’opinion publique.

Par conséquent, le Canada n’a pas à rougir de sa chasse au phoque. Nous devons garder la tête haute et continuer de revendiquer notre leadership car, en la matière, nous faisons bien mieux que l’Union européenne.

Si, comme je l’ai dit, nous partageons avec l’Europe les mêmes préoccupations de gestion durable, force est de constater que le Canada a une longueur d’avance sur les Européens en la matière. Depuis la Commission royale d’enquête de 1986, le Canada a eu le courage d’examiner froidement sa chasse au phoque. Il a repensé ses méthodes d’abattage pour éliminer la souffrance animale, a renforcé sa supervision de la chasse et a amélioré ses projections pour définir les quotas de chasse et ainsi maintenir des troupeaux de phoques en santé. En 30 ans, la population de phoques du Groenland a triplé. On compte aujourd’hui de 8 à 9 millions de phoques du Groenland, l’espèce la plus chassée. Les projections à pour 2030 évoquent une population de 10 à 16 millions. Quant au phoque gris, l’espèce la plus grosse qui est présente sur la côte Est, sa population est passée de 10 000 têtes à un demi-million environ en l’espace de 50 ans.

De l’autre côté de l’Atlantique, l’Union européenne a été incapable de prendre des mesures pour protéger le phoque moine de Méditerranée. Il y a 17 ans que cette espèce est en danger critique d’extinction, et elle figure sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature. On n’en compte plus aujourd’hui que 400 individus.

Le projet de loi S-224 met à l’honneur les produits du phoque, et je me dois de les nommer en réfutant deux fausses affirmations que véhiculent les groupes animalistes et végétariens, selon lesquels nous ne tuons les phoques que pour leur fourrure et qu’il n’y a pas de marché pour d’autres produits. À partir de la fourrure de phoque, nous fabriquons des manteaux, des tuques, des mitaines, des bottes et même des portefeuilles. Je dois dire que j’ai à peu près toute cette panoplie de produits; ils sont excellents, et de très bonne qualité. De plus, de la viande de phoque est servie dans certains restaurants de Montréal, et la boucherie Côte à Côte, aux îles de la Madeleine, offre de la viande de phoque à tous les Madelinots en plus d’élaborer des charcuteries à base de cette viande dont la particularité est qu’elle est maigre et riche en oméga-3.

Cette viande de phoque est même disponible au restaurant parlementaire. Si vous souhaitez y goûter, il faut aviser le chef. Ce dernier pourra s’en procurer durant la période de la chasse.

La graisse de phoque, quant à elle, est transformée en huile et était utilisée par les premiers colons comme combustible et lubrifiant. Aujourd’hui, nous l’utilisons comme huile alimentaire et fabriquons des compléments alimentaires riches en oméga-3, réputés pour favoriser la santé cardiovasculaire et circulatoire. Des laboratoires au Québec sur les produits de la mer font des recherches et nous disent que les oméga-3 tirés des produits du phoque sont les plus performants de tous ceux qui sont sur le marché.

D’autres produits pourraient être envisagés. Des études menées en collaboration avec la Grèce portaient, avant le boycott européen, sur l’utilisation des valves cardiaques de phoque pour la chirurgie humaine, en raison de la qualité de ces valves et du fait qu’elles ne présentaient aucun problème d’infection dans le contexte de la transplantation d’un corps étranger.

Il y a aussi le collagène du phoque qui serait particulièrement intéressant, car il est exempt de maladies attribuables à l’industrie, comme la maladie de la vache folle. Le collagène peut être utilisé dans les produits de beauté. Au moment où on l’on commencera à utiliser le collagène du phoque, la valeur de chaque phoque pourrait atteindre jusqu’à 1 000 $, estime un professeur de l’Université Laval. Donc, il y a un marché et, plus encore, un potentiel de marché phénoménal.

Cependant, les produits issus de la chasse au phoque ne sont pas les seuls qui seront à l’honneur grâce au projet de loi S-224. Nous parlons aussi des produits de la mer dans leur ensemble, car nos chasseurs de phoque sont aussi des pêcheurs. Or, ce projet de loi est un coup de chapeau à nos communautés côtières et aux bénéfices dont nous jouissons grâce aux fruits de leur travail : homard, morue, hareng, pétoncle, crevette, espadon, truite et saumon sont parmi les principales espèces pêchées au pays par les chasseurs de phoque. Nous devons célébrer ces produits et inviter les Canadiens à les consommer, car ils sont excellents pour la santé.

Avant de conclure, je dois parler des communautés autochtones, notamment des Inuits — qui nous ont rendu visite, aujourd’hui, au caucus libéral — et de certaines Premières Nations qui dépendent peut-être plus que toute autre communauté des produits de la mer et dont les modes de vie ancestraux sont liés à la chasse aux phoques.

Le phoque annelé a longtemps été la base de l’alimentation inuite. Le professeur George Wenzel, de l’Université McGill, a décrit l’impact terrible des campagnes anti-chasse au phoque des Européens au cours des années 1960 et 1970 sur l’économie inuite, qui était dépendante de cet animal. Selon lui, en 1963, une peau de phoque annelé rapportait 20 $ à un chasseur inuit. En 1967, elle ne valait plus que 2,50 $, et, après les protestations de Brigitte Bardot en 1977, la peau ne valait pas plus d’un dollar à 1,25 $. Au même moment, le mode de vie de ces communautés autochtones évoluait, se modernisait, passant des traîneaux à chiens aux motoneiges, des harpons aux fusils. Je peux en témoigner, puisque j’ai participé à une chasse au phoque sur la banquise au Nunavut.

Les coûts de la chasse au phoque ont augmenté jusqu’à 50 p. 100 en raison des nouveaux moyens, tandis que ses revenus se sont effondrés. Le découragement, le sentiment d’abandon, le suicide, l’abandon de la chasse ont été les conséquences dramatiques qu’ont éprouvées ces familles.

Sans doute consciente des erreurs du passé, l’Union européenne s’est assurée d’inclure une exception dans son récent boycott des produits du phoque. Elle interdit, depuis 2009, le commerce des produits dérivés du phoque, à l’exception de la vente à des fins non lucratives — c’est tout un commerce que celui qui doit être non lucratif! — des produits provenant de la chasse traditionnelle pratiquée par les Inuits, mais cette exception, en plus de refléter une attitude paternaliste et colonialiste détestable, condamne en réalité les Inuits à la survie en leur interdisant de faire le commerce des produits de leur chasse.

Honorables sénateurs, c’est aussi pour ces communautés de fiers Canadiens que nous devons créer une journée nationale pour célébrer nos produits du phoque et de la mer.

Permettez-moi, pour conclure, de citer une clause « Attendu » du projet de loi S-224 qui a été élaborée à la suite de mes consultations avec les groupes scientifiques, et qui dit ceci :

Attendu que l’espèce humaine fait partie intégrante de l’écosystème, et qu’en conséquence, sa position en tant que prédateur ne peut être séparée du reste de la nature;

Autrement dit, les hommes et les animaux sont appelés à vivre ensemble et à partager les écosystèmes. Cette affirmation n’a l’air de rien, et pourtant, elle est en opposition frontale avec l’idéologie des groupes animalistes et végétariens qui s’opposent à la chasse au phoque. Selon eux, les animaux doivent avoir les mêmes droits que les hommes — à titre d’exemple, à New York, une cause a réclamé des droits pour les singes. Les premiers sont d’ailleurs appelés des « animaux non humains », et les seconds, des « animaux humains ». Par conséquent, dans cette représentation du monde où tous les êtres vivants sont des animaux qui ont une personnalité juridique, il ne peut y avoir de prédation des seconds sur les premiers.

Cette idéologie appelée anti-spéciste, c’est-à-dire qu’elle ne fait pas de différence entre les espèces, n’est pas marginale. Elle mobilise des millions d’individus partout sur la planète, elle influence des décisions des parlements, elle fait fermer des marchés, elle circule sur les réseaux sociaux, elle motive des gens à devenir végétaliens, elle recrute des adeptes, elle est source d’actes criminels aux États- Unis et en Europe, et elle mène à des sabotages, à des incendies, à la destruction de laboratoires, à du harcèlement et à des menaces de mort.

Honorables sénateurs, j’ai commencé ce discours en vous disant que le projet de loi S-224 est un symbole qui permet d’honorer nos communautés côtières. Cependant, c’est aussi un étendard qui revendique une vision du monde, qui affirme une certaine idée de l’Homme qui est sensible et qui a de la compassion pour ses semblables et pour toute forme de vie en général; un étendard qui reconnaît l’Homme comme étant au sommet de la chaîne alimentaire, en interdépendance avec son environnement; un étendard qui fait de l’Homme cet être protecteur sur lequel pèse la responsabilité de léguer aux générations futures un monde sain et durable aux formes de vie les plus diverses.

Honorables sénateurs, je vous invite à faire du projet de loi S-224 une loi pour tous les Canadiens. Je vous invite à faire du 20 mai la Journée nationale des produits du phoque et de la mer, et à donner à tous les citoyens qui vivent sur les côtes de nos trois océans ce cadeau de respecter et, surtout, d’admirer leur courage. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!