Le jour du Souvenir—Interpellation
Publié le 3 février 2015 Hansard et déclarations par l’hon. Joan FraserL’honorable Joan Fraser (leader adjointe de l’opposition) :
Je tiens à remercier la sénatrice Marshall pour ce discours remarquable. Je la remercie notamment d’avoir consigné au compte rendu la terrible histoire de la participation terre-neuvienne à cette guerre. Bien qu’elle se soit inscrite de façon unique dans l’histoire des Terre- Neuviens et des Labradoriens, c’est une réalité qui fait maintenant partie de l’histoire de tous les Canadiens.
Il y a quelques années, à l’occasion du 95e anniversaire, j’ai fait partie d’une délégation qui accompagnait le ministre des Anciens Combattants à la cérémonie de commémoration de la bataille de la Somme. Le sénateur Plett faisait partie de la même délégation. Il s’agissait d’une délégation importante, composée de parlementaires, du ministre, d’anciens combattants, de représentants de la GRC et des forces armées, et bien sûr, de représentants du ministère des Anciens Combattants, et les Terre-Neuviens y étaient représentés dans une proportion importante en raison de cet anniversaire.
Nous sommes allés à Beaumont-Hamel. Je ne l’oublierai jamais. Lorsqu’on se tient là et qu’on voit ce terrain, on ressent deux émotions contradictoires : la colère face à ce que la sénatrice Marshall a appelé l’incompétence des dirigeants, et la douleur. On a ordonné à ces jeunes hommes de descendre la crête d’une colline et de se diriger vers les positions fixes allemandes, au pied de la colline; les Allemands n’avaient qu’à lever les yeux pour voir se découper la silhouette des jeunes hommes à l’horizon et les abattre. Il y a des arbres sur la crête, maintenant, mais il n’y en avait pas à l’époque. Ces garçons étaient des cibles parfaites. Un observateur a déclaré qu’ils se sont tout de suite rendu compte de ce qu’ils faisaient; ils se sont penchés et ils ont marché à travers les rafales de balles comme au milieu d’un blizzard, mais ils continuaient d’avancer. Ils continuaient d’avancer. Nous avons tous pleuré. Que faire d’autre?
Comme je l’ai dit au Sénat lorsque le sénateur Rompkey a pris sa retraite, je n’oublierai jamais non plus notre visite, un ou deux jours plus tard, au cimetière de Gueudecourt, où, à peine trois mois plus tard, ce régiment avait été reconstitué et reformé avec des soldats de Terre-Neuve, qui ont combattu ce jour-là. Comme l’a dit la sénatrice Marshall, certains sont morts, trop d’entre eux sont morts, mais ils ont atteint leur objectif ce jour-là. Nous leur avons rendu hommage. Puis, spontanément, tous les membres de la délégation qui venaient de Terre-Neuve se sont regroupés sous les arbres, devant le caribou de bronze, et ils ont chanté tous les couplets de l’Ode to Newfoundland. Oui, il aurait été très facile de pleurer encore une fois, mais nous ressentions également un sentiment de fierté et de respect pour la mémoire que ces Terre- Neuviens ont perpétuée durant toutes ces années et qu’ils continueront de perpétuer.
Tout ce que je voulais dire, c’est que respecter le caractère unique de la mémoire de Terre-Neuve-et-Labrador ne signifie pas que nous n’avons pas éprouvé de la peine et que, dans une certaine mesure, nous n’en avons pas tiré gloire.