Les personnes atteintes de démence—Interpellation
Publié le 4 février 2015 Hansard et déclarations par l’hon. Elizabeth Hubley (retraitée)L’honorable Elizabeth Hubley :
Honorables sénateurs, c’est un plaisir d’intervenir brièvement au sujet de l’interpellation de la sénatrice Andreychuk sur les Canadiens qui fournissent des soins à des êtres chers atteints de démence. Elle a tout à fait raison d’avoir lancé ce débat.
Il ne fait aucun doute que la démence et toutes ses conséquences constituent un problème de plus en plus important. En 2011, année dont datent les données les plus récentes, quelque 747 000 personnes au Canada étaient atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une démence apparentée. Ce nombre devrait augmenter considérablement au cours des prochaines années, car la démence est généralement associée au vieillissement, et les gens vivent plus longtemps.
En fait, d’après la Société Alzheimer du Canada, le nombre de Canadiens atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une démence apparentée s’élèvera à plus de 1,4 million d’ici 2031.
Les chiffres cités cachent le coût humain, bien plus considérable, que doivent payer les personnes atteintes de démence. En effet, celles-ci doivent composer avec les préjugés, l’isolement et la perte d’autonomie, ce qui peut s’avérer à la fois frustrant et terrifiant. La démence représente aussi un lourd fardeau aux plans physique et psychologique pour les proches du malade. On en a fait état dans des discours précédents. Plusieurs d’entre nous pourraient sans doute faire le récit de leur propre expérience familiale.
La plus récente Enquête sociale générale de Statistique Canada fournit des statistiques au sujet des aidants en général. En 2012, plus de 8 millions de personnes en âge de travailler ont pris soin d’un parent ou d’un ami, pour toutes sortes de raisons : maladie mentale, vieillissement, blessure à la suite d’un accident ou démence. Devant de telles statistiques, on voit bien que de plus en plus de Canadiens doivent composer avec la réalité que représentent les soins prodigués à un être cher. Plus du tiers des Canadiens connaissent une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer et, dans un cas sur cinq, il s’agit d’un membre de la famille immédiate. Les aidants naturels consacrent 444 millions d’heures non rémunérées par année à prendre soin d’une personne ayant une déficience cognitive — comme la démence —, ce qui représente 11 milliards de dollars de revenus perdus.
Nous savons que la situation ne peut qu’empirer. D’après la Société Alzheimer, dans environ cinq ans, 50 p. 100 plus de Canadiens et leur famille seront touchés par la maladie d’Alzheimer ou une démence apparentée. D’ici 2040, les aidants familiaux leur consacreront 1,2 milliard d’heures non rémunérées par année, ce qui est effarant.
Le maintien du statu quo n’est tout simplement pas possible compte tenu que les cas de démence représentent une crise imminente pour le pays. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons besoin d’une stratégie nationale en matière de démence. C’est difficile à croire, mais le Canada a actuellement le triste honneur d’être le seul pays du G8 à ne pas s’être doté d’une telle stratégie. Nous devons faire un effort de collaboration concerté. Nous devons rassembler tous les intervenants intéressés au dossier — les gouvernements, les chercheurs, les professionnels de la santé et d’autres — pour proposer une stratégie pancanadienne qui tienne compte des aidants naturels.
Par l’intermédiaire du Conseil de la fédération, les premiers ministres provinciaux ont déjà fait une priorité des difficultés entourant la démence. Le Groupe de travail sur l’innovation en matière de santé, coprésidé par les premiers ministres Ghiz, Wynne et Pasloski, a proposé des politiques et des programmes innovateurs qui appuient le vieillissement chez soi ainsi que le diagnostic et le traitement précoce de la démence.
L’été dernier, on a demandé au groupe de travail de continuer de travailler sur les soins aux aînés et sur les besoins changeants et croissants d’une population qui vieillit rapidement. C’est un début, mais la collaboration fédérale est nécessaire pour établir une stratégie nationale et, grâce à cette collaboration, les aidants naturels pourraient obtenir davantage d’aide et de soutien.
Fermer les yeux sur le problème sera lourd de conséquences. Les principaux dispensateurs de soins peuvent en arriver à souffrir de stress et présenter de graves symptômes, comme la colère envers la personne malade et les autres, la sensibilité émotive, le retrait social, l’épuisement, l’anxiété et la dépression.
Heureusement, dans ma province, la Société Alzheimer de l’Île- du-Prince-Édouard fait de son mieux pour atténuer les conséquences personnelles et sociales découlant de la maladie d’Alzheimer et d’autres démences auprès des quelque 2 500 habitants de l’île atteints de démence et de leurs aidants naturels.
Par exemple, en partenariat avec la Fondation MedicAlert, la société a instauré le programme MedicAlert Sécu-Retour, un service d’enregistrement pour les personnes atteintes de démence. Ces dernières portent un bracelet MedicAlert sur lequel sont gravés leurs renseignements personnels ainsi que le numéro de la ligne d’urgence. Ainsi, une personne peut être identifiée rapidement si elle se perd. Savoir qu’il existe un système permettant de ramener leur proche à la maison en toute sécurité donne une grande tranquillité d’esprit aux aidants naturels.
Depuis 2011, la Société Alzheimer offre le programme Premier lien, un programme d’aiguillage qui vient en aide aux personnes qui ont reçu un diagnostic d’Alzheimer ou d’une autre forme de démence, ainsi qu’à leur famille et aux soignants. Ce programme dirige les soignants vers les mécanismes de soutien et les services qu’ils peuvent obtenir par l’entremise de la Société Alzheimer ou au sein de leur propre collectivité. La Société Alzheimer offre également une série de séances éducatives, qui aident les familles et les soignants à apprendre comment s’occuper d’une personne atteinte de démence.
La Société Alzheimer de l’Île-du-Prince-Édouard appuie également cinq groupes d’aide aux familles et aux soignants dans l’ensemble de la province, ainsi que des services de counselling aux résidants de la province qui prennent soin d’une personne atteinte de démence. La Société Alzheimer possède également plusieurs ouvrages et DVD sur différents sujets, comme la prestation de soins, le stress et le deuil, que les soignants intéressés peuvent emprunter.
Des services de soutien comme ceux offerts dans ma province ne sont pas forcément disponibles ailleurs au pays. Une chose est sûre, nous pourrions en faire plus pour les soignants, peu importe où ils se trouvent. Nous devons reconnaître le rôle complexe que jouent les soignants, ainsi que leur contribution socioéconomique à la société dans son ensemble. Nous devons aussi faire de notre mieux pour les aider à assumer ce rôle important.