Projet de loi sur la non-discrimination génétique—Deuxième lecture
Publié le 27 janvier 2016 Hansard et déclarations par l’hon. James CowanL’honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) :
Honorables sénateurs, je voudrais parler encore une fois du problème de la discrimination génétique dans ce pays et du projet de loi que je propose pour le régler. C’est la troisième fois que je dépose une mesure législative visant à lutter contre la discrimination génétique. La dernière fois, le projet de loi s’est rendu assez loin dans le processus législatif, et le Comité sénatorial permanent des droits de la personne y a consacré de nombreuses audiences constructives. Malheureusement, des problèmes sont ensuite survenus — j’en ai déjà parlé et je ne veux pas y revenir aujourd’hui —, et, en fin de compte, le projet de loi est mort au Feuilleton lorsque les élections ont été déclenchées.
Le projet de loi dont le Sénat est maintenant saisi est différent du dernier. J’y ai apporté plusieurs changements afin de répondre aux questions et aux préoccupations soulevées au cours des audiences du comité et des débats du Sénat. J’ai bon espoir que, grâce à ces changements, nous pourrons procéder rapidement et enfin adopter le projet de loi S-201, afin qu’il puisse être examiné par les membres de l’autre endroit.
Chers collègues, la nécessité de cette mesure législative devient de plus en plus urgente au fil du temps. Je vais prendre quelques minutes pour rappeler aux honorables sénateurs la question abordée dans le projet de loi et pour faire le point sur ce qui s’est passé durant les mois qui ont suivi notre dernière discussion à ce sujet.
Le problème est assez simple à résumer : il y a une lacune dans les lois actuelles, et cette lacune empêche de nombreux Canadiens de profiter des progrès extraordinaires réalisés dans le domaine des sciences médicales. Mon projet de loi vise à corriger cette lacune.
Les scientifiques, y compris ici même au Canada, sont en train de révéler les secrets de notre ADN, et les résultats révolutionnent la médecine. Un simple test génétique, sous forme de test sanguin, voire de prélèvement par frottis buccal, peut révéler si une personne a une mutation génétique qui pourrait la rendre plus vulnérable au développement d’une maladie donnée au cours de sa vie.
Il importe de signaler que, dans la plupart des cas, le fait d’avoir une mutation génétique ne signifie pas que l’on va nécessairement développer la maladie; seulement que l’on risque de la développer. Cela dit, dans ce cas-ci, savoir est synonyme de pouvoir. Savoir que l’on a une certaine mutation génétique peut ouvrir la possibilité de prendre des mesures préventives pour réduire, souvent considérablement, les risques que la maladie apparaisse. Ces mesures peuvent être aussi simples qu’un changement de style de vie ou de régime, que faire de l’exercice ou prendre un certain médicament, mais, dans des cas plus graves, une intervention chirurgicale peut être justifiée.
Angelina Jolie est possiblement l’exemple le plus célèbre des avantages du dépistage génétique. Il y a trois ans, elle a parlé publiquement du fait qu’elle avait appris qu’elle possédait l’un des gènes associés au cancer du sein, connu sous le nom de gène BRCA1. Elle avait vu sa mère lutter contre le cancer du sein pendant près d’une décennie avant de succomber à la maladie à l’âge de 56 ans. Lorsque Mme Jolie a découvert qu’elle portait le gène, elle a choisi, en consultation avec son médecin, de subir une chirurgie préventive. Chers collègues, elle a fait passer de 87 p. 100 à moins de 5 p. 100 ses risques de développer un cancer du sein. Dans le New York Times, elle a écrit ceci :
Je peux dire à mes enfants qu’ils n’ont plus à craindre que je meure du cancer du sein.
Le 19 février de l’an dernier, le sénateur Wells a parlé éloquemment ici même au Sénat de sa propre expérience avec les tests génétiques. Il a découvert qu’il est atteint d’hémochromatose, un problème génétique qui empêche une personne de métaboliser adéquatement le fer que contiennent les aliments. Il en résulte une accumulation potentiellement toxique de fer dans le corps, ce qui a une incidence sur les articulations et les organes vitaux, y compris le cœur et le cerveau. Comme le sénateur l’a déclaré dans cette enceinte : « Les conséquences d’une surcharge de fer non reconnue ni diagnostiquée peuvent être lourdes, durables et même fatales. » Toutefois, l’hémochromatose est facile à diagnostiquer au moyen d’un simple test génétique, après quoi le traitement peut réduire, voire prévenir la plupart des complications graves. Le traitement de l’hémochromatose, nous a dit le sénateur Wells, est simple et facile à administrer : il suffit de prélever du sang périodiquement.
L’hémochromatose n’est pas une maladie rare. Elle touche 1 individu sur 300 chez les personnes d’origine européenne. Cependant, comme nous l’a dit le sénateur Wells, on estime que seulement 20 p. 100 des personnes qui sont atteintes de cette maladie savent qu’elles le sont. Pensez-y! Quatre-vingt pour cent des personnes qui en sont atteintes l’ignorent et elles ne peuvent donc pas prendre les mesures très simples et à leur portée qui leur permettraient d’éviter des suites potentiellement mortelles. Pour le savoir, il leur suffirait de subir un simple test génétique.
Voilà deux exemples des avantages potentiels du dépistage génétique, mais il y en a de très nombreux autres. La recherche scientifique sur la génétique médicale progresse à un rythme vraiment stupéfiant. Le 23 avril 2013, la première fois que j’ai pris la parole au sujet de mon projet de loi, j’ai dit que, 10 ans plus tôt, il existait une centaine de tests génétiques pour dépister les gènes associés à certaines maladies. J’ai fait remarquer qu’à ce moment-là, c’est-à-dire le 23 avril 2013, le nombre de tests était passé à 2 000, ce qui me semblait bien imposant. Chers collègues, aujourd’hui, moins de trois ans plus tard, plus de 32 600 tests génétiques sont enregistrés auprès du registre des analyses génétiques des National Institutes of Health des États-Unis.
Le rythme est effarant. Il y a des tests pour dépister les gènes associés à diverses cardiopathies, au cancer de la prostate, au cancer du côlon, à la néphropathie, à la sclérose latérale amyotrophique, à la fibrose kystique, aux signes précurseurs de la maladie d’Alzheimer, à des maladies rares et à d’autres qui sont très courantes. Ce ne sont là que quelques exemples, et la liste continue de s’allonger.
Le problème, chers collègues, c’est que la loi canadienne a été dépassée par la recherche scientifique. Par exemple, au Canada, contrairement à la plupart des pays occidentaux, si un individu qui subit des tests génétiques découvre qu’il est porteur d’un gène associé à une maladie particulière, aucune loi fédérale ni provinciale ne le protège contre ce que l’on appelle la discrimination génétique. Le projet de loi S-201 vise à résoudre ce problème.
Actuellement, au Canada, une tierce partie telle une compagnie d’assurance ou un employeur peut demander d’obtenir les résultats de vos tests génétiques pour s’en servir contre vous. Aucune loi ne les en empêcherait.
L’hémochromatose, la maladie génétique décrite par le sénateur Wells, est un très bon exemple. Clare Gibbons est conseillère en génétique à l’hôpital général de North York, à Toronto. Incidemment, lorsqu’elle a témoigné en faveur de mon projet de loi devant le Comité des droits de la personne la dernière fois qu’il était à l’étude, elle a également parlé d’hémochromatose. C’était plusieurs mois avant que le sénateur Wells n’attire l’attention du Sénat sur cette affection.
Mme Gibbons a dit au comité avoir entendu parler d’un certain nombre de personnes au Canada qui n’ont pas pu obtenir d’assurance-vie — et, dans un cas, une assurance voyage pour frais médicaux — parce qu’un test génétique a révélé qu’elles étaient atteintes d’hémochromatose, une des affections génétiques les plus évitables.
J’ai entendu parler d’un jeune homme de 24 ans dont certains membres de la famille ont reçu un résultat positif au test de dépistage du gène qui cause la maladie de Huntington. C’est une effroyable maladie, chers collègues, et, contrairement à la plupart des autres affections génétiques, quiconque possède le gène aura la maladie. Cependant, elle commence habituellement à se manifester autour de la cinquantaine ou après. En effet, certaines personnes qui ont le gène meurent d’autres causes avant même de développer la maladie.
Le jeune homme a pris la décision déchirante de subir un test génétique. Il a dit à son employeur ce qu’il comptait faire. Un vendredi, il a appris qu’il avait bel et bien le gène de la maladie. Quand son employeur lui a demandé des nouvelles, il lui a répondu honnêtement. Le lundi, le jeune homme s’est présenté au travail pour apprendre qu’il avait été congédié. Il était monteur vidéo. Son employeur lui a dit qu’il avait peur pour son équipement.
Chers collègues, ce jeune homme n’a pas la maladie, et, dans l’éventualité où il la développe, il est probable que les premiers symptômes ne se manifestent pas avant au moins 20 ans. Des recherches sont en cours, même qu’il y a des essais cliniques qui pourraient déboucher sur des traitements pouvant repousser encore davantage l’apparition des symptômes. Cependant, le jeune homme en question fait maintenant l’objet de discrimination à cause d’un gène.
Ces événements inacceptables sont survenus il y a huit mois. De telles choses ne devraient se produire nulle part, surtout pas au Canada.
Yvonne Bombard est une scientifique œuvrant à l’hôpital St. Michael’s et à l’Université de Toronto. Ses travaux portent sur la discrimination génétique. Elle a entretenu le comité de problèmes qu’elle a recensés et que des Canadiens ont vécus dans différents contextes, en raison de résultats de tests génétiques. Elle a parlé de gens à qui on a refusé une assurance-vie, ou dont les primes ont été augmentées, ou encore qui ont dû se soumettre à un test génétique pour se procurer une police d’assurance-vie.
À ce sujet, chers collègues, je souligne que, selon l’industrie de l’assurance, les assureurs ne sont pas censés exiger un test génétique comme condition pour l’obtention d’une police d’assurance. Il s’agit de la position de l’industrie, soit, mais j’ai tout de même entendu parler de nombreux Canadiens à qui on a imposé une telle condition. De toute évidence, cela se produit.
Mme Bombard a aussi parlé d’employés qui se sont vu surveillés de plus près après que leur superviseur a appris, de leur bouche même ou autrement, le résultat de leur test génétique. Des personnes se sont vu refuser une promotion ou ont été incitées à prendre une retraite anticipée à la suite de la divulgation de résultats de tests génétiques.
Elle a insisté sur le fait que ces problèmes ne surviennent pas seulement dans le monde du travail ou de l’assurance. Par exemple, les gens qui cherchent à adopter un enfant se font parfois refuser leur demande; certains ont de la difficulté à obtenir la garde d’un enfant.
Chers collègues, je le répète : il ne s’agit pas de gens qui souffrent d’une maladie et qui présentent des symptômes. Dans la plupart des cas, une prédisposition génétique n’est que l’indication d’une probabilité supérieure de contracter une maladie ou de développer un trouble dans le futur. Toutefois, pour de plus en plus de Canadiens, la discrimination génétique présente un danger, parce qu’elle amplifie l’emprise de la maladie et fait sentir les terribles conséquences de celle-ci bien avant qu’elle ne frappe, comme une ombre qui plane durant les années où la personne est en bonne santé.
Chers collègues, ces cas de discrimination réelle ont des répercussions très graves. La peur de la discrimination génétique conduit beaucoup trop de gens à refuser des tests génétiques qui les aideraient, selon leur médecin.
Les tests génétiques sont de plus en plus utiles pour le diagnostic et le traitement. Le Dr Ronald Cohn a comparu devant le Comité sénatorial des droits de la personne. Il est chef de la division de la génétique clinique et métabolique à l’hôpital pour enfants de Toronto et codirecteur du centre de médecine génétique de l’hôpital. Il nous a parlé de plusieurs cas de jeunes enfants très malades dont le traitement est directement et très sérieusement compromis par l’absence de mesure législative établissant une protection contre la discrimination génétique.
Il nous a parlé d’une fillette de 12 ans dont les symptômes correspondent à deux syndromes, qui peuvent tous deux être mortels, mais dont les traitements sont bien différents. Or, pour établir un diagnostic, il faut faire subir un test génétique à l’enfant et à ses parents. Craignant que les résultats ne les empêchent de contracter une assurance, les parents pensent qu’ils ne peuvent pas subir ce test. Le Dr Cohn nous a expliqué que, sans le test, il lui est impossible de traiter la fillette. Sans protection législative contre la discrimination génétique, les parents, eux, pensent qu’ils ne peuvent pas consentir à le subir.
Quel dilemme terrible pour ces parents, un dilemme auquel ils n’auraient à faire face dans à peu près aucun autre pays occidental!
Voilà un cas parmi tant d’autres. Le Dr Cohn, qui travaillait à l’Université Johns Hopkins, à Baltimore, a été recruté en septembre 2012 expressément pour diriger la division de la génétique clinique de l’hôpital pour enfants de Toronto. Il possède une longue expérience à l’extérieur du Canada et il nous a dit que c’est au Canada plus que partout ailleurs qu’il a constaté les effets de la discrimination génétique.
Il nous a parlé d’une étude menée par son centre, qui permet le séquençage complet du génome des enfants hospitalisés. Il nous a expliqué qu’il s’agissait d’enfants très malades, aux prises avec de nombreux problèmes de santé. Avec le séquençage complet du génome, les médecins pourraient arriver à déterminer les causes des problèmes — peut-être pas maintenant, mais éventuellement, à mesure que la recherche progressera — ce qui se fait, je le répète, à un rythme accéléré.
Honorables collègues, plus du tiers des familles — 35 p. 100 — ont refusé de participer à l’étude parce qu’elles craignent la discrimination génétique. Comme nous l’a expliqué le Dr Cohn, ce sont des familles qui ont tenté désespérément — parfois pendant des années — de trouver des traitements pour leurs enfants. Le Dr Cohn offre à ces familles ce qui, selon lui, pourrait être la solution qu’elles recherchent, mais elles refusent par crainte de discrimination génétique.
Honorables collègues, ces histoires sont bouleversantes. Au Canada, les parents ne devraient jamais être obligés de faire un choix aussi terrible.
Lorsque j’ai rencontré le Dr Cohn et d’autres généticiens, il y a quelques mois, j’ai demandé au Dr Cohn s’il s’attendait à ce que ce problème prenne de plus en plus d’importance. Il a dit en être absolument convaincu. C’est un problème énorme qui ne fait que s’aggraver.
Voilà pourquoi j’ai commencé mes observations d’aujourd’hui en disant que, au fil du temps, l’urgence de remédier à la situation par voie législative n’a fait que s’accroître. Il est inacceptable que notre incapacité à agir en tant que parlementaires place de plus en plus de familles dans une situation aussi épouvantable. Je ne trouve pas d’autres mots pour décrire notre inaction.
Honorables collègues, selon les médecins, l’évolution technologique dans le domaine de la génétique sera le principal facteur qui transformera la façon de pratiquer la médecine. J’ai appris que les progrès réalisés à ce chapitre sont sur le point de changer complètement les pratiques dans le domaine de la médecine.
À l’hôpital pour enfants, le dépistage génétique a permis aux médecins de déceler des problèmes de santé secondaires chez les patients, ce qui a complètement changé la façon dont les patients devaient être traités. On a expliqué dans quelle mesure les découvertes « ont fini par améliorer la qualité de vie des patients et peuvent parfois avoir un effet déterminant sur les chances de survie. »
La médecine personnalisée est désormais un champ d’étude important. Certains disent que c’est la voie de l’avenir en médecine. Cela consiste à élaborer des traitements médicaux qui ciblent la maladie ou le problème de santé en fonction des particularités génétiques du patient, de ses habitudes de vie, et des facteurs génétiques propres à la maladie ou au problème de santé. Il s’agit, honorables collègues, d’une révolution dans le domaine de la santé.Traditionnellement, les médecins n’ont été en mesure de prescrire que le traitement qui s’est révélé efficace dans la moyenne des cas. La médecine individualisée change tout cela.
Les gouvernements et les chercheurs reconnaissent que les possibilités sont exaltantes. À titre d’exemple, dans le discours sur l’état de l’Union il y a un an, le président Obama a annoncé l’initiative sur la médecine de précision, axée précisément sur ce domaine de recherche. Les scientifiques canadiens me disent que cette annonce a changé la donne pour la recherche internationale et l’investissement dans ce domaine.
Chers collègues, toutes ces démarches commencent par un dépistage génétique et, sans le type de protection légale que je propose dans le projet de loi S-201, les Canadiens ne pourront profiter d’aucune de ces avancées médicales.
J’ai mentionné l’exemple d’Angelina Jolie et fait valoir qu’elle avait réussi à réduire de 87 à moins de 5 p. 100 la probabilité d’avoir un cancer du sein. Les avantages potentiels pour une femme de savoir si elle est porteuse de l’un des gènes BRCA sont tellement frappants que la scientifique qui a découvert le premier gène, Mary-Claire King, demande que l’on procède au dépistage universel de ce gène chez toutes les femmes de plus de 30 ans aux États-Unis.
Elle n’est pas la seule. En Israël, on débat actuellement de la question de savoir s’il y a lieu ou non de procéder au dépistage universel des gènes BRCA.
Ici au Canada, nous ne pouvons même pas amorcer ce débat, car le fait d’encourager les femmes à subir des tests de dépistage génétique sans au préalable modifier nos lois leur ferait courir le risque d’être victimes de discrimination génétique. En tant que législateurs, nous ne pouvons pas faire cela. Ce serait irresponsable.
Chers collègues, il s’agit là d’un aperçu des raisons qui m’ont poussé à déposer un projet de loi pour interdire la discrimination génétique en avril 2013 et à revenir à la charge dans le cadre de la législature actuelle.
J’aimerais décrire brièvement le projet de loi et ses effets, en m’attardant sur les changements apportés depuis la dernière fois que nous l’avons examiné, pendant la dernière législature.
Le projet de loi S-201 est maintenant divisé en cinq parties. Il mettrait en œuvre une nouvelle mesure législative, la Loi sur la non-discrimination génétique. Il modifierait le Code canadien du travail, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ces deux dernières mesures ayant été ajoutées dans la nouvelle version.
En vertu de la Loi sur la non-discrimination génétique, nul ne pourrait obliger une personne à subir un test génétique ou à communiquer les résultats d’un tel test. La nouvelle version prévoit également qu’il sera interdit à quiconque de recueillir ou d’utiliser les résultats d’un test génétique subi par une autre personne sans le consentement écrit de celle-ci, que ce soit pour lui fournir des biens ou des services, pour conclure ou maintenir un contrat ou une entente, ou pour offrir ou maintenir des modalités particulières dans le cadre d’un contrat.
Mes discussions des derniers mois avec des Canadiens ont mené à la nouvelle interdiction selon laquelle on ne pourra pas recueillir ou utiliser les résultats du test génétique d’une personne sans son consentement écrit. On souhaite ainsi empêcher, par exemple, que des gens malintentionnés parcourent les médias sociaux pour découvrir si une personne a subi un test génétique, puis utilisent ces renseignements contre elle.
Le projet de loi prévoit deux exceptions aux interdictions. Ainsi, les interdictions ne s’appliqueront pas au médecin, au pharmacien et à tout autre professionnel de la santé qui fournissent des services de santé à une personne. Elles ne s’appliqueront pas, non plus, au chercheur qui mène des recherches médicales, pharmaceutiques ou scientifiques à l’égard d’un participant à ces recherches.
La nouvelle version mentionne explicitement les pharmaciens et la recherche pharmaceutique. En effet, dans un contexte de médecine individualisée, les pharmaciens font partie de l’équipe de soins du patient et adaptent les médicaments d’ordonnance à ses caractéristiques génétiques; c’est l’un des principaux aspects de la médecine personnalisée. Il nous apparaissait donc pertinent de mentionner les pharmaciens dans les exceptions.
Les sanctions sont les mêmes que dans la version précédente du projet de loi. La violation de la loi serait une infraction criminelle punissable par mise en accusation d’une amende allant jusqu’à un million de dollars ou d’un emprisonnement maximal de cinq ans, ou les deux, et, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende allant jusqu’à 300 000 $ ou d’un emprisonnement maximal de 12 mois, ou les deux.
La dernière fois, le principal problème pour certains sénateurs était que le projet de loi visait l’industrie des assurances et que, par conséquent, il serait inconstitutionnel, puisque la réglementation de cette industrie est de compétence provinciale, et non fédérale.
Chers collègues, je prends les questions relatives à la constitutionnalité très au sérieux. Je n’ai jamais eu l’intention de viser un secteur en particulier; je voulais simplement cibler et interdire une conduite particulière, sans égard à la personne qui s’y adonne. En fait, comme je l’ai déjà expliqué, la discrimination génétique se fait dans divers contextes, pas seulement dans le domaine de l’assurance. Je n’ai jamais utilisé un soi-disant pouvoir fédéral pour réglementer le secteur de l’assurance, ni aucun autre secteur en fait. Au contraire, comme le démontrent les interdictions et sanctions, le projet de loi se fonde sur la compétence fédérale en matière de droit criminel, ce qui constitue certainement une application appropriée de la compétence fédérale.
L’ancien projet de loi contenait une disposition qui faisait référence à l’industrie des assurances. Il s’agissait en fait d’une exemption aux interdictions dans le cas des polices à valeur élevée, que j’avais ajoutée pour tenter d’apaiser les inquiétudes de l’industrie de l’assurance au sujet des gros contrats d’assurance. La dernière fois, il est devenu évident que cette disposition, qui visait à protéger le secteur de l’assurance, donnait à penser que le projet de loi était, pour une quelconque raison, en essence et en substance, destiné à l’industrie des assurances. Cela n’a jamais été mon intention, comme je l’ai déjà dit. Pour être certain que le projet de loi ne vise pas le secteur de l’assurance ni tout autre secteur en particulier, j’ai retiré cette disposition. Le mot « assurance » n’apparaît plus nulle part dans le projet de loi.
J’espère que cela indiquera clairement que le projet de loi est d’application générale, qu’il s’applique à quiconque s’adonnerait à cette pratique interdite. Il repose, comme je l’ai dit, sur le pouvoir de légiférer en matière criminelle, qui est considéré comme un exercice légitime de la compétence législative fédérale.
Voilà, chers collègues, pour la première partie du projet de loi, la nouvelle Loi sur la non-discrimination génétique.
Le projet de loi modifie aussi le Code canadien du travail. Cette partie du projet de loi précédent n’avait pas suscité de controverse la dernière fois. Elle interdit aux employeurs sous réglementation fédérale d’imposer des mesures disciplinaires à un employé qui refuse de subir, à la demande de l’employeur, un test génétique ou qui refuse de communiquer les résultats d’un tel test ou en raison des résultats d’un tel test.
Le projet de loi modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne pour ajouter les caractéristiques génétiques aux motifs de discrimination interdits.
La dernière fois, certains ont dit trouver préoccupant qu’il n’y ait pas de définition du terme « caractéristiques génétiques ». On a dit qu’on risquait d’en donner une interprétation trop large puisque de nombreux traits pouvaient être considérés comme d’origine génétique. Pour répondre à ces préoccupations, j’ai inclus un paragraphe précisant que la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques est celle qui se fonde sur les résultats d’un test génétique ou sur le refus de subir un test génétique ou d’en communiquer les résultats.
Enfin, j’ai inclus de nouvelles modifications à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques pour préciser que les renseignements obtenus en vertu de ces lois couvrent aussi les renseignements provenant de tests génétiques.
Mes collègues savent que, en juin dernier, quelques semaines avant l’ajournement du Parlement pour l’été, le gouvernement précédent a déposé un projet de loi traitant de la question de la discrimination génétique. On trouvait dans ce projet de loi les mêmes modifications à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Bien franchement, je ne suis pas convaincu qu’elles accroissent de manière substantielle la protection contre la discrimination génétique dont ont besoin les Canadiens et à laquelle ils s’attendent, mais le gouvernement croyait qu’elles y contribueraient. Je veux bien le croire et, pour cette raison, je les ai incluses dans mon projet de loi.
J’aimerais apporter une dernière précision à propos des dispositions du projet de loi S-201 : elles n’obligent personne à subir de test génétique. Au contraire, l’un des principaux objectifs du projet de loi est d’empêcher cela. La décision de subir ou non ce type de test est profondément personnelle. Il y a beaucoup de facteurs à prendre en considération lorsqu’il faut prendre cette décision. Il existe certaines maladies pour lesquelles il n’y a actuellement aucun traitement ou remède. On peut comprendre pourquoi certaines personnes préfèrent ne pas savoir qu’elles sont porteuses d’une telle maladie. Une personne peut craindre les conséquences sur les membres de sa famille, qui pourraient s’inquiéter au sujet de leur propre bagage génétique. Il y a de nombreuses questions très importantes à prendre en considération. Cependant, la discrimination génétique ne devrait pas être l’une d’elles. Ce genre d’inquiétude ne devrait jamais entrer en ligne de compte.
C’est donc là le projet de loi dont vous êtes saisis. J’ai tenté de le rédiger de façon à ce qu’il réponde aux préoccupations des Canadiens. Comme je l’ai expliqué, j’y ai apporté un certain nombre de changements pour répondre aux préoccupations soulevées au cours de nos audiences et des débats au Sénat.
J’ai reçu des commentaires très positifs de la part de personnes et d’organisations qui l’ont examiné. Bien sûr, comme toujours, j’accueillerai très positivement les suggestions d’amélioration, ainsi que les observations et propositions constructives.
Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas d’une question partisane. Cela ne concerne pas la politique, mais la santé et le bien-être des Canadiens. Je sais que chacun des trois principaux partis politiques à l’autre endroit, à un moment donné au cours des dernières années, a affirmé sa volonté de lutter contre la discrimination génétique. La question n’est pas de savoir s’il faut lutter contre la discrimination génétique, mais plutôt de déterminer comment le faire le mieux possible.
La mesure que je propose est devant nous, plus ou moins dans la même forme, depuis avril 2013. Nous avons examiné la version précédente dans le cadre de nombreuses audiences très sérieuses devant notre comité des droits de la personne. J’espère que, étant donné le travail que nous avons déjà accompli en ce qui concerne le projet de loi, nous pourrons procéder rapidement à son étude dans les diverses étapes du processus, cette fois-ci, et le renvoyer à l’autre endroit afin que les membres élus de la Chambre des communes puissent l’examiner.
Je termine avec deux histoires qui m’ont été racontées tout dernièrement. La première m’est parvenue par courriel. Pour protéger ma correspondante et sa famille contre la discrimination génétique, je ne divulguerai pas son nom, mais voici ce qu’elle m’a écrit :
J’ai eu la très grande chance de pouvoir bénéficier d’une transplantation cardiaque. Après avoir reçu mon premier diagnostic de maladie cardiaque, lorsque j’étais dans la quarantaine, j’ai appris que je l’avais héritée de ma mère. Et j’avais moi-même une fille qui, comme vous vous en doutez, avait reçu le gène mutant de moi. Ma mère est morte d’une maladie cardiaque. Mais, grâce aux progrès de la médecine et à la découverte de nouveaux médicaments, il m’était possible de ne pas subir le même sort. Je mène aujourd’hui une vie normale, productive et très bien remplie. Et j’ose espérer qu’autant ma vie aura été très différente de celle de ma mère, autant celle de ma fille sera différente de la mienne.
Je sais que la médecine sera capable d’aider ma fille, mais je crains que les moyens financiers lui manquent. J’ai la chance de bénéficier d’une très bonne assurance-maladie. Ma fille ne travaille pas encore et elle a seulement 17 ans. Et porter un gène ne signifie pas qu’il s’exprimera au cours de la vie, mais j’ai peur que, lorsqu’elle voudra obtenir sa propre police d’assurance, distincte de la mienne, on la lui refuse.
Elle termine en disant que le projet de loi S-201 lui donne de l’espoir.
La dernière histoire que je vous raconterai est celle d’une jeune femme qui est venue me rencontrer à l’automne. C’est une étudiante de première année en droit. Elle a pris connaissance de mon projet de loi dans le cadre de ses études. Sa grand-mère, sa mère et sa tante ont toutes le gène BRCA du cancer du sein. Sa grand-mère a souffert d’un cancer du sein lorsqu’elle avait 25 ans, puis en a souffert encore une fois lorqu’elle était dans la trentaine. Sa mère et sa tante, qui sont dans la quarantaine, n’ont jamais eu le cancer. Elle voulait subir le test pour savoir si elle était porteuse du gène, mais sa famille lui a recommandé de ne pas le faire, car elle ne serait plus capable de souscrire à une police d’assurance. Ils lui ont dit que, si elle tenait à subir le test, elle devrait se procurer une police d’assurance au préalable. Cependant, il s’agit d’une jeune femme dans la vingtaine. Il s’écoulera encore quelques années avant qu’elle ne songe à se procurer une police d’assurance. Elle n’avait pas envie de déjouer le système en souscrivant à une police avant de subir le test. Elle tenait à savoir. Elle souhaitait prendre en main sa santé autant que possible. Alors, elle est allée subir le test, tandis que sa sœur a choisi, à l’inverse, de ne pas le faire. La jeune femme a découvert qu’elle possédait effectivement le gène BRCA.
C’est une jeune femme remarquable. Cette information lui a permis de se rendre maîtresse de son destin. Elle a changé son mode de vie, a adopté une alimentation saine et fait de l’exercice régulièrement. En outre, elle passe régulièrement des tests de dépistage du cancer du sein, une mesure qui ne serait normalement pas offerte à une jeune femme dans la vingtaine.
Elle est convaincue que, si une anomalie se présente, elle sera prise à temps et traitée rapidement. Toutefois, elle suit de près l’étude du projet de loi S-201. Elle a été témoin des problèmes qu’ont affrontés les membres de sa famille, particulièrement pour ce qui est des assurances. En tant qu’avocate, elle devra sans aucun doute souscrire à une assurance si elle choisit d’ouvrir un cabinet. Pour elle, la mise en place de protections juridiques adéquates n’est pas une question théorique de droit; c’est une affaire très sérieuse et extrêmement personnelle.
Ce sont là deux témoignages, mais je pourrais vous en donner d’autres. J’ai été bouleversé par tous ceux que j’ai reçus depuis que j’ai présenté ce projet de loi pour la première fois, en 2013.
Chers collègues, aucun d’entre nous ne possède des gènes parfaits. C’est un fait, tout simplement, mais personne ne devrait être puni parce qu’il est porteur de gènes prétendument mauvais.
Il est rare que, dans un dossier, un simple projet de loi puisse régler un problème — le projet de loi S-201 est d’ailleurs très court — et permettre à de nombreux Canadiens de mieux vivre. Les scientifiques font leur travail, car ils font progresser les connaissances de la médecine génétique — les médecins sont prêts à offrir ces technologies aux Canadiens et ils sont impatients de pouvoir le faire —, et les Canadiens ont très hâte de pouvoir bénéficier de ces percées médicales. C’est maintenant à nous de faire le nôtre afin d’éliminer cet obstacle juridique qui cause un tort réel à bon nombre de nos concitoyens.
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