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47 milliards de dollar en impôts non payés

47 milliards de dollar en impôts non payés

47 milliards de dollar en impôts non payés

47 milliards de dollar en impôts non payés


Publié le 10 mars 2017
Publication @fr par l’hon. Percy Downe

Selon le nouveau rapport du Conference Board du Canada intitulé L’évitement fiscal au Canada : Examen de l’écart fiscal potentiel, le montant des impôts non perçus par le gouvernement du Canada pourrait atteindre 47 milliards de dollars.

Pensons à tout ce qu’il serait possible d’accomplir si cette somme était effectivement perçue par le gouvernement fédéral, aux programmes que ce dernier pourrait financer, aux avantages qu’il pourrait offrir aux citoyens et aux améliorations qui pourraient être apportées aux soins de santé. Le déficit fédéral pourrait être éliminé. Qui plus est, le fait de percevoir ces 47 milliards de dollars prouverait à l’ensemble des Canadiens que le gouvernement fédéral ne ménage pas ses efforts pour s’assurer que chacun paie sa juste part d’impôts – ni plus, ni moins.

Le Conference Board du Canada a fait un travail impeccable pour ce qui est de mesurer l’écart fiscal, mais cela ne libère pas l’Agence du revenu du Canada (ARC) de ses obligations de longue date en la matière. En octobre 2012, j’ai écrit au directeur parlementaire du budget (DPB) de l’époque, Kevin Page, pour lui demander de faire enquête sur les répercussions économiques de l’évasion fiscale à l’étranger. L’enquête qui en a résulté s’est transformée en exercice de détermination de l’écart fiscal. À l’issue d’efforts diligents, le bureau du DPB a déterminé qu’il serait en fait possible d’estimer l’écart fiscal (comme le font un certain nombre d’autres pays, tels les États-Unis et le Royaume-Uni), et il a communiqué avec l’ARC pour demander sa collaboration dans le cadre de son enquête.

Malheureusement, ni M. Page ni ses successeurs n’ont obtenu de collaboration digne de ce nom de la part de l’ARC, cette dernière ayant dressé obstacle après obstacle devant le DPB et s’étant montrée réticente à laisser l’enquête suivre son cours. Un refus initial de l’ARC d’estimer l’écart fiscal est par la suite devenu un refus de fournir les données qui auraient permis au DPB de faire sa propre estimation. À un certain moment, l’ARC a évoqué la possibilité qu’elle fournisse les données demandées par le DPB (information que l’Agence est tenue de communiquer en vertu de la loi), mais à fort prix pour le bureau du budget. Elle a en outre imposé des conditions telles que l’information aurait été pratiquement inutilisable. Et même avec de telles conditions, l’information n’a toujours pas été communiquée.

En avril dernier, nous avons eu une lueur d’espoir quand la ministre du Revenu national a annoncé une série de mesures visant à combattre l’évasion fiscale à l’étranger, dont celle consistant à « commencer le travail d’estimation de l’écart fiscal, pour que les Canadiens et les parlementaires aient confiance dans le régime fiscal ».

Malheureusement, le rapport qu’a fait paraître par la suite le Comité consultatif sur l’évasion fiscale à l’étranger de l’ARC portait essentiellement sur l’« idée » d’estimer l’écart fiscal, et l’aspect particulier de l’écart qui y était abordé avait trait à la taxe sur les produits et services et à la taxe de vente harmonisée, cibles faciles de l’analyse de l’écart fiscal, mais très éloignées de l’évasion fiscale à l’étranger. À ce jour, l’ARC refuse encore de fournir au DPB l’information qu’il a demandée.

Lors de l’élection fédérale de 2015, la plateforme du Parti libéral contenait un engagement à « demander à l’ARC de procéder immédiatement à une analyse de la fraude fiscale, ou de ce que l’OCDE appelle l’écart fiscal ».

Le calcul de l’écart fiscal aurait non seulement pour effet d’attirer l’attention des Canadiens sur la nature et l’étendue du problème de l’évasion fiscale à l’étranger, mais pourrait selon le rapport du Conference Board avoir d’importantes retombées pour les décideurs en ce qu’il serait susceptible d’aider à orienter l’utilisation des ressources publiques et les priorités en matière de politiques axées sur le renforcement de l’observation fiscale. Malgré cela, et en dépit du changement de gouvernement, l’ARC refuse toujours de s’engager à mener une telle analyse.

Dans sa lettre de mandat à l’intention de la ministre du Revenu national, le premier ministre Justin Trudeau a expressément indiqué ce qui suit :

Nous nous sommes également engagés à relever la barre en matière d’ouverture et de transparence au sein du gouvernement. Il est temps de sortir le gouvernement de l’ombre pour que celui-ci soit réellement au service de la population. Le gouvernement et les renseignements du gouvernement devraient être ouverts par défaut. Si nous voulons que les Canadiens et les Canadiennes aient confiance en leur gouvernement, nous avons besoin d’un gouvernement qui fait confiance aux Canadiens.

Le moment est venu pour le premier ministre d’ordonner à l’Agence du revenu du Canada de se mettre à la tâche et de fournir l’information requise au directeur parlementaire du budget, de façon à ce que les Canadiens sachent le montant réel des impôts dus mais non perçus, et de quelles ressources l’ARC a besoin pour percevoir ces impôts. C’est alors seulement que l’ARC satisfera à la norme d’ouverture et de transparence établie par le premier ministre.