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Aide médicale à mourir—Premier rapport du comité mixte spécial

Aide médicale à mourir—Premier rapport du comité mixte spécial

Aide médicale à mourir—Premier rapport du comité mixte spécial


Publié le 10 mars 2016
Hansard et déclarations par l’hon. James Cowan

L’honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) :

Chers collègues, j’aimerais ajouter quelques mots aux propos tenus hier par le sénateur Ogilvie. Je ne propose pas de mettre l’accent sur le fond des recommandations aujourd’hui. Conformément au mandat émis par le Sénat, ces recommandations portent sur un cadre de travail pour une réponse fédérale sur l’aide médicale à mourir. Autrement dit, et cela est plutôt inhabituel, ce sont des recommandations du comité s’adressant directement au gouvernement. Nous inviterons d’autres collègues à parler du fond de la question plus tard, une fois que le Sénat sera saisi du projet de loi d’initiative ministérielle attendu.

Cela dit, je tenais à profiter de l’occasion pour parler brièvement du processus qui a mené à ce rapport. Comme le savent mes collègues, il s’agit du rapport d’un comité mixte spécial, composé de sénateurs et de députés de la Chambre des communes. Le dernier comité mixte conjoint du Parlement remonte à près d’une vingtaine d’années.

On peut comprendre que ce genre de comité soit rarement utilisé. Après tout, le Sénat a été conçu délibérément comme une Chambre de second examen objectif. Toutefois, honorables collègues, tous les membres du comité ont été impressionnés par la qualité de son fonctionnement, au cours de l’étude importante et difficile qui lui a été confiée.

Je tiens à remercier tous les membres du comité de la diligence avec laquelle ils ont abordé leur travail, et plus particulièrement mes collègues du Sénat, le sénateur Joyal, les sénatrices Nancy Ruth et Seidman et, bien entendu, le sénateur Ogilvie, car une grande partie du crédit revient aux coprésidents, Rob Oliphant et le sénateur Ogilvie.

Le sénateur Joyal : Bravo!

Le sénateur Cowan : Une tâche très difficile leur a été confiée. Peu d’enjeux suscitent des convictions aussi vives, passionnées et profondes, dans tout le spectre des opinions et problèmes possibles, que la question de l’aide médicale à mourir.

Qui plus est, les délais impartis au comité étaient forcément extrêmement serrés. Les coprésidents ont réussi à élaborer un plan de travail qui, quoique chargé, donnait la possibilité d’entendre toute la gamme des opinions sur toutes les questions qu’il fallait aborder, de l’avis de tous les membres du comité. J’insiste sur ce point : tous les membres du comité s’étaient entendus sur les questions à examiner. Nous n’avons pas tous été d’accord sur toutes les recommandations relatives à ces questions, mais nous nous sommes entendus, sous la conduite de nos coprésidents, sur les questions qu’il fallait étudier.

Ce fut une réalisation impressionnante. Comme le sénateur Ogilvie l’a dit hier, le comité a tenu 16 séances et entendu 61 témoins. De plus, il a reçu plus d’une centaine de mémoires. À mon avis, la qualité des mémoires et des témoignages a été superbe. Des Canadiens ont comparu à titre personnel et d’autres en qualité de représentants d’organisations très diverses, depuis des organisations confessionnelles jusqu’à différents praticiens des soins de santé, en passant par des juristes, des constitutionnalistes et des groupes de revendication.

Il est regrettable que le temps laissé à chacun ait dû être strictement limité, et je suis persuadé que certains témoins ont estimé qu’il leur aurait fallu plus de temps qu’ils n’en ont eu, mais je crois que chacun d’eux a eu une bonne possibilité de faire valoir ses idées. Comme membre du comité, j’estime avoir été bien informé grâce à cette façon de faire.

De cela aussi, il faut féliciter les coprésidents. M. Oliphant sera sûrement d’accord avec moi si je signale plus particulièrement le travail de son coprésident, notre collègue, le sénateur Ogilvie. Il a été strict, comme nous l’avons constaté. Nous avions cinq minutes pour la question et la réponse. Plus la question était longue, plus la réponse devait être brève. Il a été strict, mais scrupuleusement juste dans la répartition du temps entre les témoins, puis entre les membres du comité.

Je peux vous dire que j’ai vu des députés observer d’un œil admiratif sa façon de gérer nos audiences souvent passionnées. Et ces audiences n’ont pas manqué de passion, honorables collègues. Il s’agit ici, littéralement, de questions de vie et de mort. Les questions les plus profondes d’éthique, de moralité, de droit et de sciences sont soulevées. Tous, nous avons gardé présent à l’esprit le contexte du débat, c’est-à-dire les droits fondamentaux et les libertés de tous les Canadiens garantis par la Charte.

Il a beaucoup été question dans les médias, dans l’opinion publique et même au Sénat du rôle que la politique partisane pouvait jouer dans le travail parlementaire. Ce comité a donné l’exemple d’un groupe de parlementaires issus des deux Chambres qui ont su s’élever au-dessus des lignes de parti pour travailler ensemble et s’attaquer avec sérieux à l’une des questions les plus graves de notre temps pour parvenir à des recommandations à soumettre au gouvernement.

Le rapport qui a découlé des travaux du comité a reçu l’appui de tous les partis et des deux Chambres. Comme mes collègues le savent peut-être, trois membres du comité issus de l’autre endroit ont soumis un rapport minoritaire exprimant leur dissidence. Cela est indissociable de la démarche que nous suivons et reflète le fait que, sans surprise, les Canadiens n’ont pas tous la même opinion sur ces questions très importantes.

La conjugaison des points de vue différents et des expériences variées des membres des deux Chambres a fait ressortir la valeur d’un Parlement bicaméral.

Nous nous plaisons souvent à rappeler le caractère normalement moins sectaire des délibérations du Sénat. Cet état de choses a été évident au cours des audiences du comité. Cela a ouvert les yeux de certains sur la possibilité de ce type de délibérations et sur l’ampleur de ce qui est possible.

Voici un exemple qui a suscité des réactions chez plusieurs parlementaires de l’autre endroit. Les compétences constitutionnelles et juridiques du sénateur Joyal ont été, sans surprise aucune, rapidement reconnues. Une fois, la sénatrice Seidman, intéressée par l’opinion du témoin sur une question qu’elle savait que le sénateur Joyal aborderait, a cédé son temps de parole pour que le sénateur ait plus de temps, étant donné les limites strictes imposées à chacun. J’ai été sensible à la générosité de la sénatrice et j’ai accordé une grande valeur aux échanges avec le témoin qui ont été ainsi rendus possibles. Cette sorte de collégialité, de soutien, au-delà des partis, a été une surprise et peut-être même un choc pour certains membres de l’autre endroit.

À un moment où tous les parlementaires tentent de calmer le sectarisme de leurs délibérations, l’exemple de la sénatrice Seidman, qui n’a sans doute même pas pris le temps de réfléchir à son geste, a bien montré comment nous pouvons travailler tous ensemble pour le bien de tous.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Je tiens à remercier le personnel professionnel des deux Chambres qui nous ont aidés dans notre travail. Les deux greffières ont fait un travail exceptionnel pour organiser des audiences très complexes et, ensuite, produire notre long rapport. Tout cela s’est fait dans des délais très serrés, je le répète.

La greffière du personnel de la Chambre des communes a été excellente, mais qu’on me permette de faire une mention spéciale de la greffière proposée par le Sénat, Shaila Anwar. Son dévouement nous est apparu clairement, à nous tous, ne fût-ce que par les nombreux courriels qu’elle nous a fait parvenir, souvent tard le soir, pour que nous ayons la meilleure information dès que possible. Elle est vraiment allée au-delà des attentes, dans sa détermination à aider le comité à produire le meilleur rapport possible.

Nos collaborateurs de la Bibliothèque du Parlement méritent aussi une mention spéciale. Ils ont réussi à assimiler les très nombreux témoignages et tous les mémoires qui ont été présentés au comité, à écouter attentivement les discussions, puis les instructions que leur ont données les membres du comité lors des différentes séances à huis clos qui se poursuivaient souvent tard dans la nuit — ou qui avaient lieu lorsque la ville était paralysée par une tempête de neige — et à produire, en quelques jours à peine, un rapport qui, de l’avis de tous, résumait à la fois ce que nous avions entendu et ce que le comité estimait être les meilleures recommandations à faire au gouvernement pour l’aider à structurer la position fédérale dans le dossier de l’aide médicale à mourir.

Étant donné le caractère délicat de la question qui nous était soumise, personne ne s’étonnera si je dis que notre rapport a suscité la controverse. Il a été à la fois applaudi et rejeté publiquement, tandis que des voix se sont élevées en faveur de certaines recommandations, mais contre certaines autres. Une chose est sûre : il a suscité le débat et les discussions dans toutes les chaumières et tous les bureaux du pays. C’est d’ailleurs de cette façon que devraient être élaborées les politiques nationales d’importance.

Je suis fier d’avoir pu prendre part à ce très important processus en siégeant au comité mixte spécial. Je suis maintenant impatient d’assister et de participer à la conversation nationale qui est déjà entamée, puis d’examiner ensuite, avec mes honorables collègues, la mesure législative du gouvernement qui en découlera, lorsque le Sénat en sera saisi.

Chers collègues, je sais que les points de vue sur le contenu de nos recommandations divergent autant entre les sénateurs qu’entre les différents segments de la population canadienne et qu’il continuera d’en être ainsi. Cependant, en les exprimant, en en débattant et en les étudiant attentivement avant d’en arriver à nos conclusions finales, nous ferons exactement ce qu’on attend de nous en tant que législateurs, surtout lorsqu’il est question de sujets aussi sensibles pour un aussi grand nombre de Canadiens que celui-ci.

Des voix : Bravo.

1 Avis

  1. louis dionne 5 mois ll y a

    SVP prendre note de ce texte considérant ce dilemme

    QUAND ET COMMENT DÉCIDER DE LA « LA FIN DE VIE» D’UNE PERSONNE?

    Dans le cadre de la Loi 2 concernant les soins de fin de vie, il m’apparaît important de comprendre comment sera interprété «fin de vie» terme utilisé abondamment dans son libellé; important pour les malades qui demanderont l’aide à mourir; important pour les médecins qui auront à confirmer ou infirmer s’il s’agit bien de la fin de vie de la personne qui le réclame, puisque, dans cette loi, la fin de vie est liée à l’autorisation d’y mettre fin.

    Tout le monde sait ce qu’est la fin de vie. Plusieurs l’ont reconnue en accompagnant un proche s’acheminant vers sa mort. On le ressent, on le vit avec lui; personne n’est dupe, on sait que c’est la fin. Mais «fin de vie…fin de la vie..fin de ma vie», ont-ils le même sens? Pas vraiment, chacun énonçant des variables significatives en regard de cette loi. Par exemple, je pourrais parler de la fin de la vie sans faire allusion à la fin de ma vie ou vouloir la fin de ma vie sans être en fin de vie.

    Mais quels seront donc les critères qui permettront de dire qu’une personne est véritablement à la fin de sa vie. Il y a d’abord des critères pathologiques liés à une maladie en phase terminale, mais se pourrait-il qu’une décision personnelle sans égard à son espérance de vie ou des pressions familiales devant un parent atteint d’une maladie chronique, puissent être invoquées comme motifs valables? De telles situations viendraient compliquer la prise de décision médicale, le médecin étant le seul ennobli de cette tâche de donner la mort à un être humain.

    Mon expérience antérieure me permet de dire que c’est plus probant avec la maladie cancéreuse. dont les phases évolutives sont assez bien définies. La médecine dispose, en effet, de nombreux examens radiologiques, biologiques et pathologiques permettant de décréter avec assez de précision les jours qui restent au malade atteint d’un cancer en phase terminale

    Mais ce n’est pas un exercice aussi exact dans la majorité d’autres maladies comme la sclérose en plaques, la maladie de Lou Gehring, la maladie d’Alzheimer ou l’insuffisance cardiaque. Ce sera, alors, au médecin de démontrer que la maladie est en phase terminale et le malade, en fin de vie, pour qu’il soit éligible à recevoir l’aide à mourir. selon les critères de la Loi 2.(Section 2 26-3). Et devant une douleur ou une souffrance intolérables, quels seront les critères?

    Le malade, lui-même, pourra-t-il déclarer que sa fin de vie est au moment où il le demandera.
    « C’est moi qui déciderai quand que je voudrai mourir » a dit, ouvertement, une personne atteinte d’une maladie dégénérative chronique,. Par ailleurs, une personne âgée et fatiguée de vivre qui désire l’aide à mourir sera-t-elle éligible? Les membres de famille pourront-ils demander au médecin de procéder chez leur parent atteint de la maladie d’Alzheimer avancée? En somme, qui décidera que le malade est en fin de vie… le médecin, l’équipe de soignants, le malade lui-même, le mandataire ou la famille?

    Que de questions sans réponse dans cette loi, laissant au seul médecin cette responsabilité.
    Elle est entière pour celui qui posera le geste et lourde à porter; à telle enseigne, l’Association médicale hollandaise, en 1995, a annoncé au Gouvernement de ce pays que ses médecins refusaient dorénavant d’exécuter le geste euthanasique. Je crois savoir que cette perspective viendra chambarder notre propre réalité vitale commece fut le cas aux Pays-Bas.
    (Dutch doctors revise policy on mercy killing Globe and Mail august, 26, 1995)

    Louis Dionne

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