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Comité plénier — le conseiller sénatorial en éthique

Comité plénier — le conseiller sénatorial en éthique

Comité plénier — le conseiller sénatorial en éthique

Le sénateur Serge Joyal : 

Bienvenue, monsieur Legault.

J’aimerais axer ma question sur votre statut, tel qu’il est défini à l’article 20 de la Loi sur le Parlement du Canada. Je suis sûr que vous connaissez bien cet article, qui porte sur votre statut en tant que conseiller sénatorial en éthique. Le paragraphe 20.5(2), plus particulièrement, porte sur les privilèges et les immunités de votre poste. Je ne sais pas si vous avez en main ce paragraphe de la Loi sur le Parlement du Canada, mais, si vous le permettez, j’aimerais le citer.

Le paragraphe 25.2(2), qui s’intitule « Privilèges et immunités », précise ce qui suit :

Lorsqu’il s’acquitte de ces fonctions, il agit dans le cadre de l’institution du Sénat et possède les privilèges et immunités du Sénat et des sénateurs.

À mon avis, ce paragraphe est très important, car, parmi les mandataires du Parlement, vous êtes le seul qui, selon la loi, jouit des mêmes privilèges et des mêmes immunités que ceux du Sénat en tant qu’institution et des sénateurs. Comme vous le savez, ces privilèges ont un statut constitutionnel aux termes de l’article 18. En tant qu’avocat, vous devez très bien connaître cet article de la Constitution.

Quelle sera la portée de ces privilèges et de ces immunités dans l’exercice de vos fonctions en tant que conseiller sénatorial en éthique?

M. Pierre Legault : Merci beaucoup de votre question, monsieur le sénateur. C’est une question particulièrement intéressante et passionnante, je dois l’avouer. Je vais faire quelques commentaires préliminaires avant d’aller au fond de la question.

Je ne prétendrai jamais que, parce que je dispose de ces mêmes privilèges et immunités, je suis égal à un sénateur. Je suis votre conseiller, et non un sénateur. Ces privilèges et immunités ne me sont pas conférés dans mon intérêt personnel. Ils existent pour que je puisse vous aider tous individuellement comme sénateurs, et peut-être encore plus pour que je puisse aider le Sénat en tant qu’institution. Ils existent pour que le Sénat puisse continuer de mener ses travaux sans interdit et sans obstruction parlementaire, ce qui compliquerait le travail des sénateurs.

Fait intéressant, ces privilèges et ces immunités remontent à très loin. Je crois qu’ils ont vu le jour au XIe ou au XIIsiècle en Angleterre. Ils ont été repris dans la Constitution du Canada en 1867. On a reconnu que ces privilèges et ces immunités devaient être semblables à ceux qui existaient en Grande-Bretagne à l’époque, mais qu’ils devaient aussi être restreints pour éviter le chaos. Il s’agit de ceux qui sont repris dans la Constitution. On les retrouve aussi dans la Loi sur le Parlement du Canada.

Il existe deux types de privilèges et d’immunités de ce genre. L’un est lié directement aux sénateurs. Le plus important d’entre eux, c’est la liberté de parole pour que vous ayez la liberté de vous exprimer dans cette enceinte et de dire ce qui doit être dit sans crainte d’être poursuivi pour diffamation, par exemple, en sortant du Sénat.

Cette liberté d’expression ou de parole ne s’applique pas à mon poste. Ce sera peut-être la seule fois que j’aurai comparu devant le Sénat. La façon dont vous exercez la liberté de parole en ce lieu n’est pas toujours du même ordre que celle qui s’appliquerait à moi. Toutefois, dans la mesure où je mène une étude ou une enquête et que je rédige un rapport, ces documents seraient également protégés par cette liberté de parole. D’autres privilèges et immunités découlent de l’histoire que je viens d’évoquer, à savoir la protection contre le harcèlement et les actes judiciaires au civil, ainsi que l’exemption du devoir de juré et de l’obligation de comparaître comme témoin.

L’un de mes privilèges préférés, c’est celui qui protège les sénateurs contre l’obstruction, l’ingérence, l’intimidation et la brutalité. Je me réjouis du fait qu’on ne peut pas me brutaliser dans l’exercice de mes fonctions. Effectivement, ce privilège signifie qu’une personne n’a pas le droit d’intervenir physiquement pour empêcher un sénateur ou un député de se rendre au Sénat ou à la Chambre des communes pour remplir ses fonctions.

De plus, certains privilèges et certaines immunités découlent de l’histoire et des conventions constitutionnelles. Parmi les plus importantes, il y a la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui. Vous avez le droit constitutionnel, par convention, telle que reconnue par le cas que j’ai mentionné, de réglementer votre propre constitution, la façon dont se déroulent les débats et les mesures disciplinaires que vous prenez. Le code est le résultat final de ces privilèges et de ces immunités. Donc, si j’étais confirmé comme conseiller sénatorial en éthique, cela veut dire que je mettrai en œuvre vos décisions découlant de ces privilèges.

Je ne sais pas si cela répond à votre question, monsieur le sénateur. Je serais heureux d’en parler davantage, si vous le désirez.

Le sénateur Joyal : J’aimerais me concentrer sur la nature de votre fonction, qui consiste en fait à imposer des mesures disciplinaires au Sénat et aux sénateurs, individuellement et collectivement.

Est-ce que vous voyez un conflit d’intérêts potentiel entre le fait que vous jouissez des mêmes privilèges qu’un sénateur pour imposer des mesures disciplinaires et le fait que vous n’êtes pas vous-même sénateur? Vous n’êtes pas nommé par une commission sous le Grand Sceau du Canada signé par le gouverneur général pour siéger au Sénat, selon l’article de la Constitution que vous connaissez si bien. Comment définissez-vous la portée de l’exercice du privilège d’imposer des mesures disciplinaires, dans la mesure où on vous l’accorde, par rapport à celui dont jouissent les sénateurs en vertu de l’article 18?

M. Legault : Aux termes de la Loi sur le Parlement du Canada, le conseiller sénatorial en éthique, par résolution du Sénat et avec l’approbation du gouverneur en conseil, est aussi nommé sous le Grand Sceau du Canada. Les sénateurs sont nommés sous ce sceau, et le titulaire de ce poste l’est aussi, bien évidemment pour des raisons très différentes, et pour assumer des fonctions très différentes.

Dans un sens, le poste et le code découlent de la manière dont vous avez décidé de gérer vos affaires. De ce point de vue-là, je suis d’accord : bien que je fasse partie du Sénat, comme le dit la Loi sur le Parlement du Canada, mes fonctions sont très différentes de celles d’un sénateur. Personnellement, je ne vois pas là de conflit, parce que tout cela dérive de notre tradition constitutionnelle.

Le sénateur Joyal : Permettez-moi d’être plus précis.

Vous avez le privilège de pouvoir prendre des mesures disciplinaires. Nous avons, individuellement, le privilège de pouvoir prendre des mesures disciplinaires. Que se passe-t-il si nos interprétations relativement à un cas, une affaire ou une enquête concernant un sénateur diffèrent et que nous avons toujours le privilège de prendre des mesures disciplinaires?

M. Legault : Merci beaucoup, sénateur, d’avoir précisé votre question. Je n’ai pas le pouvoir de prendre des mesures disciplinaires. J’ai le pouvoir de faire un examen préliminaire et j’ai le pouvoir de faire enquête, de mon propre chef ou à la demande d’un sénateur. Je peux faire une recommandation, mais, au bout du compte, le rapport ira au comité. Le comité fera une recommandation au Sénat et c’est le Sénat qui décidera quelle mesure prendre à propos du sénateur.

Par conséquent, même si je peux mener enquête, je ne peux pas décider quelles mesures seront appliquées. Cela vous appartient. Je ne dispose pas de ce pouvoir.