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Motion tendant à exhorter le gouvernement du Myanmar à mettre un terme à la violence et aux violations graves de la personne contre les musulmans rohingyas

Motion tendant à exhorter le gouvernement du Myanmar à mettre un terme à la violence et aux violations graves de la personne contre les musulmans rohingyas

Motion tendant à exhorter le gouvernement du Myanmar à mettre un terme à la violence et aux violations graves de la personne contre les musulmans rohingyas

Motion tendant à exhorter le gouvernement du Myanmar à mettre un terme à la violence et aux violations graves de la personne contre les musulmans rohingyas


Publié le 3 octobre 2017
Hansard et déclarations par l’hon. Mobina Jaffer

L’honorable Mobina S. B. Jaffer :

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 240, qui demande au gouvernement du Canada d’encourager le gouvernement du Myanmar à mettre immédiatement un terme à la violence et aux violations graves des droits de la personne contre les musulmans rohingyas, à respecter son engagement envers la Déclaration universelle des droits de l’homme, et à permettre que des observateurs internationaux participent au processus de paix.

Dimanche dernier, sur la Colline du Parlement, j’ai rencontré des Canadiens venus de partout au pays pour manifester au nom des Rohingyas du Myanmar, qui font l’objet d’une campagne de nettoyage ethnique. Tous les intervenants qui ont pris la parole portaient le même message : il ne suffit pas de fournir des fonds, de se dire préoccupés du sort des Rohingyas ou de s’intéresser aux initiatives prises par d’autres pays pour faire cesser la violence infligée à ce peuple. Pour contribuer véritablement à mettre un terme au nettoyage ethnique au Myanmar, le Canada doit agir en chef de file et prendre des mesures énergiques. Le message était clair : il faut agir sans tarder.

Bien que la motion vise à exhorter le gouvernement à encourager le Myanmar à mettre un terme à sa campagne d’épuration ethnique, je fais miennes les paroles des protestataires et soutiens qu’il faut faire davantage. Le Canada a le devoir d’agir en leader et de protéger les Rohingyas. Ce faisant, il poursuivrait la tradition du Canada qui consiste à lutter contre les génocides, l’épuration ethnique et les crimes contre l’humanité.

À l’ère du maintien de la paix, les Canadiens portant le casque bleu étaient reconnus partout dans le monde pour l’aide qu’ils apportaient. Nos militaires ont travaillé fièrement à établir les fondements en vue de l’édification de la paix à Chypre, dans l’ancienne Yougoslavie, au Soudan et dans beaucoup d’autres pays ayant fait face à une crise semblable. En outre, les Canadiens ont travaillé inlassablement sur la scène diplomatique afin de prévenir de graves violations des droits de la personne et des atrocités et ce, sans avoir recours à la force militaire.

Nos démarches de diplomatie multilatérale et nos interventions à l’Assemblée générale des Nations Unies ont beaucoup contribué à contrer les violations flagrantes des droits de la personne au Nigeria et en Amérique latine.

Plus récemment, le Canada a été l’architecte de la doctrine adoptée par la communauté internationale lorsque les États ne peuvent pas, ou ne veulent pas, mettre fin à un génocide, à des crimes contre l’humanité, à des crimes de guerre ou à une campagne d’épuration ethnique. Cette doctrine, appelée responsabilité de protéger, ou RdP, qui a adoptée à l’unanimité au Sommet mondial de 2005 des Nations Unies, énonce les trois piliers de la responsabilité des pays en ce qui a trait à des atrocités du genre et à la protection des civils contre celles-ci.

Le premier pilier dit ceci : « C’est à chaque État qu’il incombe de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. »

Étant donné que la crise touchant les Rohingyas découle de l’incapacité flagrante du gouvernement du Myanmar à protéger son propre peuple contre le nettoyage ethnique, ce premier pilier commande au Canada d’intervenir.

Le deuxième pilier dit ceci : « La communauté internationale doit encourager et aider les États à s’acquitter de cette responsabilité. » Même si le Canada a eu l’occasion de s’acquitter de sa responsabilité aux termes du deuxième pilier, il ne peut plus le faire depuis que l’armée du Myanmar est devenue la principale menace pour les Rohingyas.

Cependant, une telle situation permet d’invoquer le dernier pilier, qui dit ceci : « Lorsque les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leurs populations, la communauté internationale doit être prête à mener en temps voulu une action collective appropriée et résolue, conformément à la Charte des Nations Unies. »

Étant donné que le Myanmar est non seulement incapable de protéger son peuple, mais aussi activement impliqué dans le nettoyage ethnique, ce dernier pilier commande au Canada d’intervenir. Selon les derniers mots de la définition du dernier pilier, le Canada doit agir conformément à la Charte des Nations Unies, ce qui lui permet d’employer divers moyens contre le Myanmar afin d’assurer une protection adéquate des Rohingyas.

Le Canada peut intervenir de bien des façons qui ne sont pas militaires, notamment en faisant de la médiation, en plaidant en faveur d’une intervention à l’Assemblée générale des Nations Unies et en imposant des sanctions. Chacune de ces mesures s’est déjà avérée efficace pour inciter des pays à cesser de commettre des atrocités contre leur propre peuple et pourrait contribuer à mettre fin à la crise au Myanmar sans recourir à la force.

Par ailleurs, au-delà de l’aide modeste de 6,6 millions de dollars qu’il a accordée depuis le début de cette crise, le Canada peut contribuer de façon beaucoup plus directe aux efforts humanitaires. Au lieu de se contenter d’envoyer de l’argent, le Canada pourrait offrir son aide en fournissant des denrées essentielles qui se font rares pour les Rohingyas, sinon au Myanmar, du moins à la frontière avec le Bangladesh, où se trouvent les réfugiés qui ont pris la fuite. De plus, l’Équipe d’intervention en cas de catastrophe des Forces canadiennes pourrait contribuer à fournir des aliments, de l’eau, un abri et des médicaments aux réfugiés.

L’ensemble de ces mesures montreraient au Myanmar qu’il sera de plus en plus isolé si ses forces militaires continuent de chasser ses propres citoyens.

Le Canada pourrait prendre les devants et agir comme modèle sur la scène internationale en démontrant que les atrocités contre des civils sont inacceptables.

Cela dit, la possibilité d’une intervention existe bel et bien, même si elle doit être utilisée en dernier recours. Le troisième pilier de la doctrine de la responsabilité de protéger inclut également la consultation des chapitres VI et VII de la Charte des Nations Unies. Le chapitre VI comprend des formes d’intervention axées sur la résolution pacifique des conflits, comme la négociation, l’enquête, la médiation, la conciliation, l’arbitrage, le règlement judiciaire et le recours aux organismes ou accords régionaux. Ces méthodes exigent toutefois le consentement de l’État en question.

Par ailleurs, le chapitre VII existe comme tout dernier recours. Il décrit l’utilisation de la force pour rétablir la paix et la sécurité. Si le pays donné ne veut pas ou ne peut pas mettre fin à la violence et si toutes les autres options ont échoué, la communauté internationale peut prendre les mesures appropriées pour y arriver.

Si le Myanmar refuse de protéger sa population, le Canada doit devenir, encore une fois, un chef de file et présenter des initiatives qui pousseront la communauté internationale à intervenir et à mettre fin à ce nettoyage ethnique.

J’insiste beaucoup aujourd’hui pour que le Canada applique la doctrine de la responsabilité de protéger en ce qui a trait au Myanmar. Je le fais parce que ce principe fait partie de l’ADN canadien. Il a été établi par le Canada, il a été rédigé par des Canadiens et il fait rayonner les valeurs canadiennes sur la scène internationale.

La Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États, qui a mené à la création de la responsabilité de protéger, a été fondée par le Canada. Michael Ignatieff était l’un de ses membres, ainsi que Lloyd Axworthy, à titre de président du comité consultatif. Lorsque la commission a rédigé son rapport final et l’a présenté au Sommet mondial des Nations Unies de 2005, Allan Rock était à la tête de la délégation canadienne qui a joué un rôle déterminant dans l’adoption définitive, à l’unanimité, de la doctrine. C’était en 2005.

La doctrine de la responsabilité de protéger a été instaurée grâce aux efforts inlassables de Canadiens profondément dévoués à chaque étape de sa création. Aujourd’hui, je vous demande de perpétuer cet héritage et de sommer le gouvernement à la mettre en pratique au Myanmar afin de mettre fin au nettoyage ethnique qui y a lieu.

Cela dit, le Canada doit également reconnaître qu’il ne peut pas faire cavalier seul. Bien qu’il puisse jouer un rôle important pour faire pression sur le Myanmar afin de mettre enfin un terme à la violence, il maximisera son efficacité si le reste du monde se joint à lui.

Comme je l’ai dit, le Canada a joué un rôle déterminant quand l’ONU a adopté à l’unanimité le principe de la responsabilité de protéger en 2005. Aujourd’hui, le Canada doit montrer l’exemple en rappelant au reste du monde l’engagement qu’il a pris il y a 12 ans et en faisant pression pour que la responsabilité de protéger soit adoptée.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous dire que le Canada doit agir. J’ai été envoyée par le gouvernement au Soudan. Nous nous souvenons tous de la terrible situation au Darfour. Nous étions les premiers à nous y rendre. J’y suis allée avec des militaires canadiens. Ils n’étaient que 10, mais je peux vous dire que, après avoir vu le travail qu’ils ont fait et la façon dont ils ont aidé les jeunes femmes, les enfants et les femmes âgées, j’ai pleinement confiance dans les Forces armées canadiennes. Je les ai vues au travail. Je les ai vues travailler inlassablement. Je suis persuadée que les forces armées pourront aider.

Aujourd’hui, il y a 600 soldats qui attendent que le premier ministre décide de la suite des choses. En tant que vice-présidente du Comité de la défense, j’ai demandé au chef d’état-major de la Défense si les soldats étaient prêts et s’ils pourraient être déployés. Il a dit qu’ils étaient toujours prêts à agir sous le commandement du premier ministre.

Le premier ministre a déclaré que le Canada était de retour. Il a dit qu’il n’hésiterait pas à avoir recours aux troupes pour mettre fin à la souffrance dans le monde. Je vous demande de dire avec moi au premier ministre qu’il est maintenant temps d’agir.

Je vous demande d’appuyer la motion de la sénatrice Ataullahjan. Je remercie la sénatrice de l’avoir présentée. Je crois sincèrement que, si le Canada veut poursuivre sa tradition humanitaire, nous ne pouvons pas fermer les yeux aujourd’hui sur ce qui se passe.

 

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