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Motion tendant à encourager le gouvernement à entamer des consultations auprès de différents groupes afin d’élaborer un programme national et universel de nutrition adéquatement financé et à frais partagés

Motion tendant à encourager le gouvernement à entamer des consultations auprès de différents groupes afin d’élaborer un programme national et universel de nutrition adéquatement financé et à frais partagés

Motion tendant à encourager le gouvernement à entamer des consultations auprès de différents groupes afin d’élaborer un programme national et universel de nutrition adéquatement financé et à frais partagés

L’honorable Art Eggleton, conformément au préavis donné le 13 juin 2018, propose :

Que le Sénat encourage le gouvernement à entamer des consultations auprès des provinces, des territoires, des peuples autochtones et d’autres groupes intéressés afin d’élaborer un programme national et universel de nutrition adéquatement financé et à frais partagés, qui vise à garder les enfants et les jeunes en santé en leur enseignant des principes de nutrition et en leur fournissant un repas nutritif quotidiennement dans le cadre d’un programme assorti de mécanismes adéquats pour assurer une supervision indépendante de l’approvisionnement alimentaire, le respect des normes nutritionnelles et la gouvernance.

—Je vais m’efforcer d’être bref, chers collègues.

J’interviens au sujet de ma motion, qui réclame un programme national de nutrition pour les jeunes. Il y a un peu plus de deux ans, alors que j’étais vice-président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, nous avions publié un rapport intitulé L’obésité au Canada : une approche pansociétale pour un Canada en meilleure santé.

L’étude nous a appris que les enfants grandissent dans une société qui encourage de plus en plus les mauvaises habitudes alimentaires et qui fait obstacle à un mode de vie sain. Le comité a recommandé notamment que le ministre de la Santé collabore avec ses homologues provinciaux et territoriaux afin de favoriser des programmes scolaires de petits déjeuners et de déjeuners ainsi que des cours de nutrition.

Cette recommandation est importante, car un programme public de repas destiné aux jeunes s’attaque au problème de la faim et contribue à une saine relation avec la nourriture. Non seulement un tel programme donne accès à des repas nutritifs, mais il facilite également la réussite scolaire et le bien-être de l’élève. En fournissant un repas nutritif à tous les enfants, un programme de nutrition universel appuie l’acquisition de bonnes habitudes alimentaires chez tous les enfants, peu importe leur milieu socioéconomique.

Les effets de l’alimentation sur la santé sont incontestables. Une mauvaise alimentation est régulièrement associée aux maladies du cœur, aux accidents vasculaires cérébraux, à l’hypertension, au diabète et à certaines formes de cancer. L’Association médicale canadienne estime que la mauvaise alimentation a causé la mort de plus de 65 000 personnes au Canada en 2010 seulement.

Honorables sénateurs, aujourd’hui au Canada, environ 13 p. 100 des enfants sont obèses et un autre 20 p. 100 souffrent d’embonpoint— c’est ce que nous avons relevé dans le rapport que nous avons publié. Le pourcentage d’enfants obèses a triplé au cours des 30 dernières années. La recherche sur l’obésité infantile nous apprend que les enfants obèses sont peu susceptibles de régler leurs problèmes de poids en grandissant. Selon la Childhood Obesity Foundation, si la tendance se maintient, d’ici 2040, jusqu’à 70 p. 100 des adultes de 40 ans souffriront d’embonpoint.

Donc, honorables collègues, pour éviter cet avenir, les enfants canadiens doivent connaître dès aujourd’hui un meilleur départ.

Pour y arriver, toutes les sphères de la société devront apporter leur contribution. Les parents, les enseignants, les entraîneurs, les municipalités, les provinces, les territoires et le fédéral auront un rôle à jouer dans cette lutte. Cette collaboration est nécessaire pour obtenir des résultats concrets en ce qui concerne la santé de nos enfants.

Nous savons que les enfants qui mangent des repas nutritifs se sentent mieux et apprennent plus facilement. Selon les conclusions d’une recherche menée par l’Université Harvard, les programmes de petits déjeuners améliorent considérablement les capacités cognitives des élèves, leur permettant d’être plus alertes et de mieux se concentrer. Ils ont de meilleurs résultats en lecture, en mathématiques et à d’autres tests normalisés. Les enfants qui mangent un petit déjeuner à l’école font beaucoup mieux que leurs pairs qui sautent ce repas. Ils sont moins souvent malades en plus d’avoir moins d’étourdissements, de périodes de léthargie et de douleurs à l’estomac ou aux oreilles. Les données sont claires et cohérentes.

Pourquoi donc y a-t-il tant d’enfants qui ont faim et qui souffrent de malnutrition dans un pays riche comme le Canada? Trop souvent, beaucoup de parents canadiens n’ont pas le temps ni l’argent pour cuisiner des repas sains et complets pour leur famille. Par conséquent, la consommation d’aliments préparés a explosé dans les dernières décennies. Selon l’Association médicale canadienne, étant donné que les aliments de valeur nutritionnelle moindre sont plus abordables que les choix sains, les personnes des foyers à revenu modique ont tendance à en consommer davantage.

Les enfants canadiens sont confrontés à des problèmes particulièrement graves en matière d’alimentation. Seulement le tiers d’entre eux consomment suffisamment de fruits et légumes. Le tiers des élèves du primaire et les deux tiers des élèves du secondaire vont à l’école sans avoir pris un petit déjeuner nutritif. Le quart des calories consommées par les enfants proviennent d’aliments qui ne sont pas recommandés par le Guide alimentaire canadien.

Pour s’en convaincre, il suffit d’aller à la cafétéria d’une école ou dans un centre sportif. On y sert souvent des pizzas, des croquettes de poulet, des frites, parfois des salades César; ce sont rarement des choix nutritifs. Puisqu’on sait que les enfants passent une bonne partie de leur journée dans ces endroits, il est important de s’assurer que des aliments sains y sont offerts. Les soins de santé coûtent cher à toute la société; nous devons donc surveiller cette situation malsaine.

Or, comment espérer y parvenir alors que les programmes actuels ne se fondent sur aucune norme nationale en matière de nutrition et ne peuvent pas compter sur une source de financement fiable? Dans bien des cas, on accepte des dons d’aliments malsains et transformés. C’est le cas de nombreux programmes de petits déjeuners au pays.

Comme je l’ai dit à plusieurs reprises dans cette Chambre, le pays a un défi énorme à relever en ce qui concerne la pauvreté. Trop de Canadiens n’ont pas les moyens de consommer des aliments sains. Ils comptent sur les banques alimentaires pour nourrir leur famille. Selon Statistique Canada, plus de 1 million d’enfants, soit environ 17 p. 100 des enfants canadiens, vivent dans la pauvreté. Selon les données de 2016 de Banques alimentaires Canada, près de 900 000 Canadiens, dont le tiers sont des enfants, doivent recourir aux banques alimentaires tous les mois.

Il ne faut pas s’y méprendre. Les mauvaises habitudes alimentaires et la malnutrition ont des répercussions considérables sur la santé et l’éducation des jeunes. Même si c’est difficile à croire, l’obésité chez les enfants est une forme de malnutrition. Nous avons tous vu des images d’enfants d’autres pays qui souffrent de malnutrition. Dans bien des cas, ils sont maigres et ils dépérissent. Soulignons toutefois que, d’après l’Organisation mondiale de la Santé, il y a malnutrition, c’est-à-dire mauvaise nutrition, lorsqu’une personne mange trop peu, ou qu’elle consomme trop d’aliments mauvais pour la santé. Au Canada, les problèmes de malnutrition touchent parfois des gens qui consomment beaucoup d’aliments mauvais pour la santé et de boissons sucrées parce que ces produits coûtent moins cher.

D’après un rapport de l’UNICEF publié à l’été 2017, le Canada occupe le 37e rang sur 41 pays en ce qui concerne l’accès des enfants à des aliments nutritifs. Selon le Conference Board du Canada, le Canada est l’un des seuls membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, qui n’a pas de programme national de nutrition pour les jeunes.

Honorables collègues, aucun enfant ne devrait souffrir d’insécurité alimentaire. En tant que pays qui se targue d’être un chef de file mondial en santé et d’être dirigé par un gouvernement mettant l’accent sur les enfants et les familles, il est franchement honteux que nous n’ayons pas un tel programme.

La Finlande possède un programme national efficace de nutrition pour les jeunes dans le cadre duquel on donne chaque jour aux enfants des repas sains et équilibrés. Tandis qu’ils sont assis autour d’une table dans un esprit communautaire, un surveillant leur enseigne la nutrition, la saine alimentation et les bonnes manières à table. Voilà la combinaison gagnante d’un programme national de nutrition pour les jeunes. Au Brésil, les écoles qui disposent d’un programme d’alimentation scolaire sont tenues par la loi d’acheter 30 p. 100 de leurs aliments auprès de petits agriculteurs locaux.

Vous serez peut-être surpris d’apprendre que le gouvernement fédéral finance déjà des programmes qui offrent des repas nutritifs aux enfants. Le Club des petits déjeuners du Canada, qui a contribué au lancement de programmes de petits déjeuners partout au pays, permet de nourrir plus de 200 000 enfants chaque jour. Il a obtenu près d’un demi-million de dollars de financement du gouvernement fédéral lors de l’exercice 2016.

En octobre dernier, la ministre de la Santé a annoncé que l’Agence de la santé publique du Canada investirait plus de 1,2 million de dollars sur trois ans dans un programme appelé De la ferme à l’école : le Canada, une terre fertile! Ce programme encourage une saine alimentation, l’activité physique et le bien-être, tout en s’attaquant aux facteurs de risque communs qui sont à la base d’importantes maladies chroniques. Comme l’a dit la ministre de la Santé :

Je suis heureuse d’annoncer l’appui du gouvernement du Canada à ce projet, qui aidera les enfants et les jeunes canadiens à s’informer sur les aliments sains et à y avoir accès dans les écoles et sur les campus. Encourager les enfants et les jeunes à essayer des aliments sains et à se renseigner davantage sur la provenance des aliments contribuera à jeter les bases d’une saine alimentation qui durera toute une vie.

Honorables sénateurs, il n’est pas nécessaire de réinventer la roue. De nombreux groupes au pays, comme le Club des petits déjeuners, ont déjà des programmes nutritifs dont nous pouvons nous inspirer et que nous pouvons prendre comme point de départ pour le reste du pays.

La ville de Toronto, où j’habite, offre un grand nombre de programmes liés à l’alimentation à l’intention des jeunes. Le projet pilote de repas du matin gratuit mis en œuvre dans certaines écoles de la région par le conseil scolaire du district de Toronto en est un bel exemple. L’objectif était de voir quels seraient les effets d’une telle mesure sur la santé, le comportement, l’assiduité, l’attention et les résultats des élèves. Chez les élèves qui prenaient un petit déjeuner trois fois ou plus par semaine, on a constaté une amélioration du comportement et de la ponctualité, une diminution de la fréquence des problèmes de discipline, une amélioration de la concentration et une probabilité accrue de réussite scolaire comparativement aux autres élèves.

L’Alberta et la Nouvelle-Écosse ont récemment augmenté les sommes qu’elles investissent dans les programmes d’alimentation scolaire et de nombreux gouvernements se penchent sur les meilleurs moyens d’offrir des aliments sains.

Partout au pays, des organismes sans but lucratif trouvent des façons novatrices et de nourrir les enfants et de leur montrer à cuisiner, à jardiner et à resserrer les liens scolaires avec la nourriture.

Le problème est l’absence de normes nationales pour définir les aliments sains, pour encadrer ce qu’on sert dans les écoles et les installations de sport. De façon générale, les normes en matière d’alimentation consistent en un ensemble hétéroclite de lignes directrices incohérentes et peu solides dont les critères nutritifs varient énormément d’une province à l’autre. Certaines permettent encore la vente d’aliments à teneur élevée en gras, en sel et en sucre. L’accès à des aliments nutritifs n’est donc pas le même pour tous les enfants du pays.

Je pense que cette motion tombe à point nommé puisque la ministre de la Santé est à revoir le Guide alimentaire canadien dans le cadre de la stratégie du gouvernement en matière de saine alimentation. Cela s’inscrirait naturellement dans le prolongement de cette stratégie.

Honorables collègues, on ne peut plus fermer les yeux sur la crise de santé qui est en train de se développer rapidement au pays. Pour améliorer la santé de la population, il faut inculquer aux gens dès leur jeune âge de saines habitudes alimentaires. La mise en place d’un programme universel de nutrition, qui permettrait à tous les enfants canadiens d’avoir accès à des aliments sains et d’être sensibilisés aux principes de nutrition, est la bonne chose à faire, et c’est ce qu’il faut faire dès maintenant.

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!